Egalité et Réconciliation
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La justice refuse de suspendre les travaux de démolition de l’église à Gesté

Nous recevons à l’instant l’ordonnance de référé rendue ce midi par le tribunal administratif de Nantes. Le droit y cède à la force : puisque les travaux de démolition sont déjà engagés, le juge conclut qu’ils sont irréversibles et l’urgence est non de les arrêter, mais de les finir. L’association Mémoire vivante du patrimoine gestois (MVPG) envisage de se pourvoir en cassation, ce qui est le seul recours possible afin de sauver l’église, dont la mairie a commencé en juin les travaux de démolition.

En examinant de plus près la requête, l’on constate que le juge administratif Chupin – qui avait déjà donné tort à l’association en première instance en 2011, lorsqu’elle contestait le permis de démolir de l’église annulé par la suite par la cour d’appel – constate cependant que la délibération municipale du 6 mai 2013 autorisant la démolition et la reconstruction de l’église « n’a pas été complètement exécutée » puisque « il n’est pas établi (…) que les entreprises chargées de la reconstruction aient été désignées ».

 

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L’église est loin d’être aux deux tiers détruite

 

Une brèche juridique importante dans la protection des églises en péril

Dans un prodigieux élan de mauvaise foi judiciaire, le juge écrit « il a été établi à l’audience que la nef est désormais démolie (…) que les travaux de déconstruction (…) sont ainsi largement avancés et présentent un caractère irréversible (…) il y a urgence désormais que les travaux de démolition-reconstruction soient achevés ». L’argument est simple : puisque les travaux de démolition ont commencé, ils doivent finir. Avec de telles raisons, n’importe quel monument français – protégé ou non – peut être démoli. La brèche juridique est d’importance et devrait permettre – sauf arrêt contraire du Conseil d’État dans les prochains mois – que bien d’autres églises françaises laissées à l’abandon par leurs mairies et paroisses respectives tombent – près de 200 sont ainsi en première ligne.

 

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Le chœur de l’église

 

La nef de l’église n’est pas détruite. Seuls manquent le mur pignon ouest, la charpente et la moitié de la hauteur du mur sud. Le mur nord de la nef, le chœur, le clocher et la crypte sont intacts. Une réalité matérielle qui n’impressionne pas le juge administratif, qui ne se fonde que sur le rapport d’huissier du 25 juin 2013 favorable à la mairie et balaie toutes les pièces (versées au dossier) qui permettent de cerner l’état de dégradation de l’édifice avec précision, notamment le rapport récent de l’APAVE dont nous parlions dans le compte-rendu de l’audience du TA de Nantes du 8 juillet.

Quand le droit décline, le citoyen est seul maître du jeu

La décision du juge administratif de Nantes s’inscrit dans la longue spirale du déclin du droit : celle qui favorise, avec la complicité de l’inertie administrative et de la collusion des intérêts du pouvoir et des bétonneurs, le saccage des littoraux en Corse, en Provence ou en Bretagne. Celle qui reprend une à une les jurisprudences favorables aux associations et aux riverains qui espèrent protéger l’Histoire, l’environnement et leur cadre de vie. Celle qui sacrifie les libertés fondamentales aux intérêts des multinationales du béton, quitte à multiplier les illégalités flagrantes et le déni de justice, comme ça a été le cas plusieurs fois dans la mise en œuvre de l’aéroport de Notre-Dame des Landes ou du moins des tentatives du pouvoir pour essayer de se rendre maître du terrain.

 

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Vitrail armorié. L’église compte 3 chapelles privées, pour autant de châteaux. Les châtelains y accédaient par des salles situées juste dessous, au niveau de la crypte.

 

Lorsque la justice décline, que le droit s’efface devant la collusion des intérêts des puissants et de ceux qui sont censés les juger et les contrôler, l’initiative revient aux citoyens. Soit ils se plient au joug du servage, et perdent ce qui leur reste de mémoire et d’Histoire, soit ils se rebellent. L’exemple le plus lumineux peut-être vient de la Russie : la privatisation sauvage des années 1990 à fait s’effondrer l’État et a dépeuplé les campagnes. De nombreux monuments historiques sont à l’abandon, des églises gisent à demi-effondrées au-dessus des squelettes de bois des villages désolés ; des immeubles XVIIIe et XIXe s’effondrent dans les villes, et sont périodiquement brûlés par les promoteurs avides. Pourtant, il y a des citoyens qui vont au-devant des pelleteuses, qui agissent sur tous les leviers judiciaires et civils, il y a des gens qui donnent de leur temps pour rebâtir et faire refleurir l’église de leur village – ou d’ailleurs. Des milliers de monuments s’effondrent, mais ces vingt dernières années, des milliers d’autres ont gagné des restaurations qui les feront repartir pour des siècles, ou ont été sauvés – de justesse souvent – de la démolition.

Si les Russes, libérés du servage en 1861 et sur lesquels se sont abattues toutes les calamités du XXe siècle – deux guerres mondiales, une guerre civile et un régime totalitaire meurtriers, sans oublier une privatisation mafieuse qui a imposé une décroissance forcée au pays – se montrent capables de combattre et de sauver leur patrimoine en péril, les Français, et plus encore les habitants de l’ancienne Vendée militaire baisseront-ils la tête devant leurs élus auréolés de leur vaine gloriole ? L’avenir seul le montrera : en attendant que le Conseil d’État se prononce, il ne reste qu’une solution aux défenseurs de l’église, qu’ils soient de Gesté ou d’ailleurs : se porter au devant des pelleteuses fin août, et prier.

Lire aussi notre article de fond sur l’affaire de Gesté

Télécharger l’ordonnance de référé

Approfondir le sujet avec Kontre Kulture :

 






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