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Opération Countenance : les Anglo-Soviétiques font main basse sur l’Iran

Partie 2, par Nabucco

Lire la première partie

Le shah d’Iran, conscient que son armée, prise en tenaille par des forces supérieures, ne pourra pas résister longtemps, en appelle au président Roosevelt pour qu’il intervienne en tant que médiateur dans le conflit. En vain.

Les intérêts des États-Unis rejoignent à ce stade du conflit mondial ceux des Britanniques et accessoirement des Soviétiques. L’épiscopalien Roosevelt refuse d’intercéder tout en assurant l’Iran que leur souveraineté sera préservée. Du point de vue iranien, il est certain que ces vœux pieux, tortueux, furent amèrement accueillis. Les pratiques impérialistes des Soviétiques et des Britanniques en font foi pour l’éternité.

 

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Tommy britannique patrouillant le long d’un oléoduc iranien

 

Le 28 août, les 2ème et 9ème brigades blindées indiennes et britanniques commencent à s’enfoncer profondément en direction de Téhéran. Les Iraniens ont subi des pertes importantes en quelques jours de combats (800 militaires tués, des centaines de victimes civiles par bombardement). Leur aviation et leur marine sont neutralisées et l’armée de terre est en retraite sur tous les fronts. Le shah demande un cessez-le feu.

Deux jours plus tard les Anglo-Russes posent leurs conditions. Les ressortissants allemands doivent être expulsés. Les concessions pétrolières de l’Anglo-Persian Oil Company sont renouvelées dans des conditions très favorables pour la compagnie. Des zones d’occupation sont déterminées. Au nord-ouest de l’Iran, la région de Tabriz et les rives de la Caspienne sont attribuées aux Soviétiques, tandis que les Britanniques occupent les principaux champs pétroliers (région de Kermanshah et d’Abadan).

 

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Britanniques au pied d’une raffinerie d’Abadan

 

Par ailleurs, l’ouverture des ports iraniens aux cargos alliés est concédée, ainsi qu’une libre circulation des trafics ferroviaires et routiers afin d’organiser le convoyage terrestre de l’aide accordée aux Soviétiques dans le cadre de la loi Prêt-Bail. Par le corridor persan, ce ne sont pas moins de 5 millions de tonnes de matériel, armes et munitions qui seront acheminées entre 1942 et 1945. À l’insu de leur plein gré, les Iraniens vont contribuer à la motorisation de l’Armée rouge, prélude à un basculement du rapport de force entre le Reich et l’URSS.

 

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Convois alliés en Iran dans le cadre de la loi Prêt-Bail – l’opulence côtoie la misère

 

Les Iraniens, qui ont subi des pertes humaines et matérielles considérables, tentent de discuter les termes de l’accord de cessez-le-feu. Notamment en réclamant une réduction des zones d’occupation et un dédommagement pour les dégâts engendrés par les combats. Les Anglo-Russes, qui désormais sont en position de force, sont intraitables. D’autant plus que les armées britannique et soviétique ont fait leur jonction à Sanandaj dans le Kurdistan iranien dès le 30 août.

 

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Le général britannique Wavell converse avec des tankistes soviétiques sur la caisse d’un T-26

 

Selon la formule consacrée, « la seule négociation, c’est la guerre », dans la foulée, les Britanniques occupent Téhéran le 16 septembre. La veille, le shah d’Iran, Reza Shah Pahlavi, a dû abdiquer. Son fils, le très conciliant Mohammad Reza Shah Pahlavi, lui succède. Il régnera en maître sur son peuple et en esclave des Américains jusqu’en 1979, date ou la Révolution iranienne chassera, ignominieusement, le despote du pouvoir. Le dernier shah d’Iran terminera sa vie en exil, comme son père qui lui, au moins, tenta de tenir tête aux grandes puissances.

Le nouveau shah signe une alliance avec les Britanniques en janvier 1942. Il déclare la guerre à l’Allemagne le 9 septembre 1943. Quelques jours auparavant, sous la pression de l’Armée rouge, la Wehrmacht avait commencé à évacuer la péninsule du Kouban, dernier balcon stratégique du Reich aux portes du Caucase et du Moyen-Orient. Cette retraite du groupe d’armée A, dû à la suprématie des Soviétiques sur le champ de bataille, interdit désormais aux Allemands tout retour offensif vers les champs pétroliers d’Azerbaïdjan et d’Iran.

En novembre 1943, la première conférence interalliée d’envergure se déroule à Téhéran. Les alliées expriment leur gratitude pour la contribution de l’Iran à l’effort de guerre allié, s’engagent à respecter la souveraineté du pays et à intégrer l’État iranien dans les nouvelles structures internationales de l’après-guerre. Début 1946, les troupes britanniques évacuent l’Iran. Les Soviétiques, qui ont des visées annexionnistes sur l’Azerbaïdjan iranien, se font un peu prier, mais finissent par quitter le pays en mai 1946. L’Iran a retrouvé une maîtrise de ses frontières toute virtuelle.

 

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Staline, Roosevelt et Churchill (conférence de Téhéran, 1943)

 

L’opération Coutenance d’août 1941 constitue le dernier acte d’une série d’opérations alliées visant à contrôler militairement les réserves de pétrole et leur zone d’acheminement au proche et au Moyen-Orient. En quatre mois, l’Irak (mai 1941), la Syrie-Liban (juin 1941) et l’Iran sont attaqués et occupés par les Alliés. La dernière alerte a lieu en août 1942, lorsque les Allemands déclenchent l’opération Edelweiss, dont l’objectif est d’occuper les raffineries de Grozny et Bakou dans l’Azerbaïdjan soviétique.

À l’automne 1942, aucun des objectifs allemands n’est véritablement atteint et la Wehrmacht reflue vers l’Ukraine orientale, dès l’hiver de la même année. Au prix d’une transgression du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les Alliés ont atteint tous leurs objectifs : exploiter à leur profit les formidables réserves d’hydrocarbures de cette région du monde, maintenir les Allemands hors de portée du Sud-Caucase et du nord de l’Iran, ouvrir une voie d’acheminement sécurisée pour l’aide aux Soviétiques. Les bases du grand tournant de la guerre en 1943 sont désormais établies.

 






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