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La guerre pour l’Eurasie va-t-elle s’accentuer ?

George Friedman, président du très célèbre think tank Stratfor, spécialisé dans le renseignement et employeur de certains exécutants des révolutions de couleurs, a récemment donné une longue interview dans laquelle il a expliqué sans langue de bois les intentions stratégiques américaines en Europe et en Eurasie.

L’intéressé nous explique ce que les initiés en géopolitique savaient déjà : à savoir que l’Amérique souhaite conserver son statut de première puissance mondiale et continuer à régenter les affaires de la planète. À ces fins, les États-Unis sont déterminés à empêcher tout imprévu, y compris en Eurasie, zone dans laquelle ils ne sont pas en position de force.

Cette incapacité de l’Amérique à exercer un contrôle sur le cœur de l’Eurasie a au moins deux raisons : l’existence de puissances régionales déterminées et dont la puissance militaire est en augmentation (Chine, Russie…) mais aussi un déséquilibre démographique qui mettrait la puissance militaire américaine en totale infériorité en cas d’affrontement sur le terrain.

George Friedman revient sur l’exemple historique de l’alliance entre l’Allemagne (nazie) et de la Russie (Soviétique), et rappelle que seule une alliance entre ces deux puissances continentales ayant une complémentarité naturelle « risquerait » de devenir un concurrent sérieux pour les États-Unis.

Le développement d’un corridor de sécurité américain (et non de l’Otan, comme l’explique clairement l’intéressé) au sein des États de la nouvelle Europe (Roumanie, États baltes, Bulgarie, etc.) peut être perçu comme la traduction de la volonté de Washington de ne pas miser uniquement sur Berlin. L’explication du président de Stratfor va plus loin : Washington s’interroge sur la loyauté et sur les intentions de l’Allemagne, et Washington doit s’assurer qu’une alliance Berlin-Moscou ne puisse pas voir le jour.

De son côté, Berlin fait face à une situation historique et politique complexe. L’exaspération liée à sa situation de soumission morale post-1945 va s’atténuer avec les nouvelles générations, tandis que le pays est déjà dans une situation de domination économique à l’ouest de l’Eurasie, situation qu’il lui faudra tenter de maintenir coûte que coûte.

Conscientes de la nécessité de partenariats économiques stables sur la longue durée, mais encore influencées par la pression qu’exerce Washington, les élites allemandes ont néanmoins visiblement tenté de déstabiliser ou du moins de ralentir la progression du partenariat entre Moscou et Pékin, dans le but probable de maintenir autant que possible la dépendance de Moscou envers l’Europe de l’ouest.

Malheureusement pour les élites allemandes, Chine et Russie s’émancipent de plus en plus de l’influence occidentale. Ironie de l’histoire et des chiffres, alors que ces deux pays ont signé il y a juste un an un accord énergétique géant de 400 milliards de dollars, ce sont maintenant des batteries S-400 (armes de défense antiaérienne) qui vont être également livrées à la Chine par la Russie.

Ce faisant, les deux pays consolident la coopération économique par une coopération militaire extrêmement audacieuse et souveraine, si on la compare par exemple avec les frilosités françaises face à la livraison de navires de type Mistral.

Ces relations économico-politiques complexes s’inscrivent dans un contexte plus large, qui voit la Russie réaffirmer son autorité dans une Eurasie clairement définie comme sa zone d’influence et d’action prioritaire, comme l’a confirmé le président russe lors de sa ligne directe.

Au même moment, la stratégie américaine en Asie centrale semble se diriger vers plus de déstabilisation et d’immixtion, comme le confirme le numéro un de Stratfor. Cette stratégie américaine devrait donc entrer en confrontation directe avec le nouvel ordre régional russo-centré. La Russie se positionne en effet comme un acteur clé dans l’avenir proche de la nouvelle grande route de la soie qui reliera l’Ouest et l’Est de l’Eurasie et verra l’Union eurasiatique jouer un rôle fondamental entre l’Europe et la Chine.

Pour l’Allemagne, comme pour la France qui n’est même pas citée par George Friedman, l’intégration eurasiatique constituerait sans doute une trajectoire géopolitique qui donnerait un nouveau souffle stratégique au couple franco-allemand, en équilibrant les relations entre les zones euro-atlantique et Asie-Pacifique.

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