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Les élections israéliennes, qui s’en soucie ?

Les Israéliens tenaient des élections législatives décisives à nouveau, parce que le vote précédent, en avril, avait été trop mitigé. Celui-ci a été aussi peu concluant. Les électeurs n’arrivaient pas à choisir entre Dupont et Dupond, les deux partis principaux. La seule différence notable est que le Likoud est dirigé par M. Netanyahou, tandis que l’autre, B&W (Bleu et blanc, les couleurs du drapeau national israélien) est contre Netanyahou, à mort. À part ça, leur ligne politique est identique ; les dirigeants du B&W sont prêts à rejoindre le gouvernement tenu par le Likoud pour peu que Netanyahou aille se faire voir ailleurs. Pas de problème, du côté du Likoud, pour rejoindre le B&W, il suffit qu’ils acceptent Netanyahou. Ce dernier s’accroche à son siège de Premier ministre comme Adonias aux cornes de l’autel (Rois 1:50). Pour le moment il n’envisage pas de se voir poursuivi pour divers délits d’ordre pécuniaire et envoyé au cachot. Tant qu’il reste Premier ministre, il jouit de l’immunité, et il tente de faire durer la situation aussi longtemps que possible.

 

Il va se battre jusqu’au bout, parce qu’il ne veut vraiment pas aller en prison. Dans la politique israélienne, les hommes politiques et les hommes d’État vont tellement souvent en prison que cela est perçu comme une éventualité normale. Peut-être que l’idée selon laquelle personne n’est au-dessus des lois vous est agréable, mais c’est un concept très déstabilisant parce qu’il en résulte que les gens au pouvoir ne veulent jamais lâcher les rênes. La volonté de puissance du chef des B&W est sans commune mesure avec le désir de Netanyahou de rester en liberté. Le Premier ministre a quasiment démarré une nouvelle guerre avec Gaza il y a quelques jours, mais ses généraux ont refusé d’embrayer, a-ton appris. S’il a donné l’ordre de bombarder Gaza avant les élections, que pourra-t-il bombarder une fois confronté à la défaite ? Voilà pourquoi je ne m’attends pas à une transition douce.

Les juifs libéraux américains sont impliqués : ils veulent briser la connexion Netanyahou-Trump, et restaurer le statut d’Israël à l’identique dans les deux partis. Le vilain Trump a créé un schisme entre les sionistes et les juifs libéraux. Netanyahou est un grand ami du président Trump, lequel est un grand ami d’Israël. Naturellement, ce n’est pas un ami pour les démocrates au Congrès et au Sénat, et ce n’est pas un ami pour les juifs américain, démocrates dans leur grande majorité. La situation est inédite : Netanyahou n’est pas le personnage au-dessus des partis qu’il était à l’époque où le Congrès applaudissait tout ce qui sortait de sa bouche. C’était au temps d’Obama ; Obama adorait les juifs libéraux et n’était pas très amical envers Israël. Netanyahou détestait et méprisait Obama, mais il s’est rapproché de Trump et de Poutine.

Les juifs libéraux aux États-Unis et en Israël, étroitement connectés avec l’État profond, les agences de renseignement, la finance et les médias dans chacun des deux pays, veulent se débarrasser de Netanyahou et installer à sa place l’un des leurs, qui refroidira la Trump-connection et restaurera les liens d’autrefois avec les démocrates. Et ils espèrent que leur homme à Tel-Aviv restaurera la place d’Israël à l’identique dans les deux partis. Leur candidat, c’est le Général Benny Gantz, un homme de belle prestance, tout en longueur dans le style de feu le Général Itzhak Rabin. Il est soutenu par Avigdor Lieberman, politicien chevronné.

C’est probablement le moment de rappeler au lecteur que dans cette histoire il n’y a pas de bon candidat. Les politiciens israéliens, qu’ils soient pro-Trump ou pro-démocrates, sont également torves et assoiffés de sang. Le Premier ministre Netanyahou est complice d’innombrables meurtres de civils, même si les médias israéliens ne l’accusent que de certaines irrégularités financières. Abattre des Palestiniens, bombarder l’Irak, la Syrie, le Liban, pousser les États-Unis dans des guerres tant en Afghanistan qu’en Iran, des broutilles, selon les normes de la morale israélienne, pour couronner le tout. Son rival Benny Gantz est un criminel de guerre recherché pour de nombreux crimes de guerre commis en 2014 en tant que commandant de l’assaut israélien contre Gaza. De fait, il s’est vanté d’envisager encore des meurtres de masse, dans ses spots de campagne.

L’un revendique 1364 terroristes palestiniens supprimés pendant la guerre, tandis que l’autre dit que sous les ordres de M. Gantz « nous avons renvoyé des quartiers entiers de Gaza à l’âge de pierre ». Les vidéos ne mentionnent pas les 1462 civils tués pendant le conflit, selon un décompte de l’ONU, rapporté par The Daily Telegraph.

Bon, considérons réglée la question de la préférence morale à faire valoir entre les siamois (aucune différence), et allons plus loin. L’homme qui a plombé Netanyahou, c’est M. Avigdor Lieberman, qui est à la tête de son propre petit parti. Jusqu’à une date récente, c’était surtout un parti « russe », de vieux émigrés de l’Union soviétique de jadis. M. Lieberman est un faucon, ou plutôt un bébé faucon, car il n’a jamais servi sous les drapeaux. Il a exigé de bombarder Gaza à mort, de ramener tout Gaza à l’âge de pierre, de bombarder le barrage d’Assouan, d’exécuter les guérillas arabes ; il n’a jamais rien demandé pour son propre électorat, mais celui-ci ne lui en tenait pas rigueur, et a régulièrement voté pour lui, encore et encore.

Lieberman a servi sous Netanyahou dans tous ses gouvernements, comme ministre de la Défense ou des Affaires étrangères, et il était considéré comme un partenaire sûr pour le prochain gouvernement. Mais après les élections d’avril, il s’est rebellé, et a exigé que les juifs pratiquants fassent leur service militaire. S’il n’obtenait pas satisfaction, il quittait le gouvernement. Il s’est donc vu éjecté, parce que Netanyahou était obligé de choisir : se séparer de Lieberman ou rompre avec les partis religieux juifs. Il n’avait pas envie de rompre avec ses juifs religieux loyaux et peu exigeants, pour faire plaisir à ce politicard moldave. Or, sans Lieberman, Netanyahou ne pouvait pas constituer de coalition, si bien que de nouvelles élections ont dû être organisées.

Depuis avril, Lieberman a surenchéri dans sa rhétorique anticléricale. Il a dit qu’il ne siègerait pas dans un gouvernement qui comporterait des Arabes ou des juifs religieux. Il a proposé de former une grande coalition laïque, avec le Likoud, le B&W et son propre parti. Je pense que c’est une erreur de terminologie : le Likoud et le B&W peuvent parfaitement former une coalition sans Lieberman, et ce sont les juifs religieux qui se précipiteront pour y être admis. L’anticléricalisme a un attrait fort limité en Israël. Vous ne pouvez pas proclamer que le Tout-Puissant vous a promis la Terre sainte, si vous niez son existence et reniez la foi. Vous ne pouvez pas voter pour la loi fondatrice de l’État juif qui déclare qu’Israël est l’État juif pour les juifs, tout en reléguant les partis religieux hors du gouvernement.

Il y a des Israéliens qui n’aiment pas la religion juive. Certains d’entre eux se considèrent comme « Israéliens », mais il n’y en a pas beaucoup dans cette catégorie. Gilad Atzmon a récemment débattu avec un journaliste de Haaretz sur l’identité de ceux qui avaient gagné les élections, juifs ou Israéliens. Pfeffer suggérait que la majorité est à la fois israélienne et juive, que l’un ne va pas sans l’autre. Les Israéliens ont été battus par les juifs, disait Gilad. À mon avis, les Israéliens anticléricaux sont des oiseaux rares, et pas particulièrement admirables. Ils sont extrêmement avares de compassion. Les juifs religieux ont une certaine compassion, quoique modique, envers les autres juifs ; les juifs non religieux sont sans pitié pour tous. C’est la raison pour laquelle je pense que Lieberman va perdre son pari. Mais en attendant, il a raflé bien des votes d’Israéliens qui détestent les juifs religieux.

Juifs et Israéliens, religieux comme laïques, sont parfaitement unis dans leur rejet des non juifs. Le troisième parti par la taille, après le Likoud et le B&W, c’est la Liste jointe, le parti pour lequel les Palestiniens israéliens (dits "Arabes") ont voté. Les partis juifs israéliens ont juré qu’ils ne siègeraient jamais dans un gouvernement avec des goys. Ils préfèrent ne pas avoir de gouvernement plutôt que de le partager avec des Arabes. Peu importe que ces Arabes soient citoyens d’Israël, les juifs n’ont pas la réputation d’être des partageux, surtout en matière de pouvoir. Ni le Likoud ni le B&W ne veulent leur faire de place dans un gouvernement de coalition. Il n’y a pas de différence politique tangible entre les grands partis, dans ce domaine.

Netanyahou s’est déclaré appartenir à la droite, tandis que ses opposants constitueraient la gauche : mon œil ! La gauche juive n’existe plus. Jadis elle était forte ; c’est la force qui avait créé l’État juif et la puissante armée d’Israël. Elle avait régné pendant 30 ans sans opposition, et ensuite par intermittence, mais désormais elle est morte. On craignait que le Parti travailliste n’arrive même pas à avoir de représentants à la Knesset ; il y est arrivé de justesse. Moi, personnellement, je ne regrette en rien son éviction. Ils ont eu leur chance pour régler la question des relations avec les Palestiniens, le problème le plus important pour Israël, mais ils l’ont rejetée. La gauche israélienne, comme la gauche américaine ou française, ne s’intéresse qu’aux problèmes de genre, aux immigrants africains et aux thèmes féministes, mais leurs voisins palestiniens ne les intéressent pas. Les Palestiniens et leur sort n’ont pas été à l’ordre du jour dans ces élections. Les partis ne se sont même pas donné la peine de proposer quelque remède à ce terrible état de choses, alors que des millions d’êtres humains se voient privés des droits les plus élémentaires parce qu’ils ne sont pas juifs. Et pourtant les Palestiniens avec la citoyenneté israélienne (ceux que les juifs appellent "Arabes", tandis que les Palestiniens de Cisjordanie les appellent les "Palestiniens de 48") sont allés aux urnes, et ont élu 13 députés, parmi lesquels un grand communiste juif, Offer Cassif. Cette fraction pourrait forcer l’impasse et sauver Israël de lui-même, si un parti juif voulait briser le tabou auto-imposé qui pèse sur les Israéliens.

Trump et Poutine ont donné un soutien prudent à Bibi Netanyahou. Trump avait promis de présenter son grand projet après les élections. Il n’a pas émis d’objections aux spots publicitaires où Netanyahou se servait de son image comme faire-valoir. La chute de Netanyahou sera un terrible camouflet pour Trump, disait un journaliste libéral israélien, habituellement hostile aussi bien à Trump qu’à Netanyahou. Cela ne l’a pas empêché de remarquer que le soutien de Trump n’est pas allé bien loin pour favoriser Bibi. Poutine a accepté de rencontrer Netanyahou quelques jours avant les élections, lui fournissant ainsi une grande occasion de se faire faire une photo réussie. Néanmoins, Poutine a refusé de donner à Bibi rien de plus tangible : point de condamnation de l’Iran, point de promesse de tenir compte des intérêts israéliens en Syrie. Poutine a bien plutôt condamné le bombardement de la Syrie, lors de sa rencontre avec les présidents turc et iranien à Ankara.

D’un autre côté, le président Poutine est venu en personne rencontrer le principal soutien américain à Netanyahou, le milliardaire des casinos Sheldon Adelson, le 17 septembre, jour des élections israéliennes, au rassemblement de Keren Hayesod, ou Appel Israélien unifié, à Moscou. Cet Appel est l’organe qui lève les fonds pour le mouvement sioniste, l’une des trois institutions nationales israéliennes (avec le gouvernement et l’Agence juive) qui rassemble des fonds pour l’Etat. Los de ses sessions bi-annuelles (comme celle qui s’est tenue à Moscou), les philanthropes juifs les plus en vue, les gros poissons, se retrouvent et offrent des millions de dollars à l’Etat juif. Il a dit : "Le Premier ministre s’est souvenu de son grand-père le rabbin, qui faisait souvent des apparitions dans le cadre des initiatives de Karen Hayesod. C’était un excellent orateur, a dit le Premier ministre, et on le comparait pour son éloquence avec le poète juif réputé Hayim N Byalik. Netanyahou vénère le diplôme délivré par Keren Hayesod à son grand-père, etc". Le journaliste du Kommersant (quotidien russe important) qui a rendu compte de cet évènement a eu l’impression que le président russe allait peut-être un peu trop loin dans son éloge du Premier ministre israélien.

Poutine et Trump ont couvert son pari. Ils avaient exprimé un soutien suffisamment clair à Netanyahou pour apparaître comme ses bienfaiteurs s’il gagnait, et comme des amis d’Israël plutôt que comme des amis personnels de Bibi s’il perdait. Il est probable que les deux présidents regretteront son départ, dans la mesure où les libéraux d’Israël détestent Trump et Poutine tout autant que leurs frères américains. Mais pour les Israéliens et les Palestiniens, le changement sera minime.

Israël Adam Shamir

 

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8 Commentaires

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  • #2280791
    Le 19 septembre 2019 à 18:15 par Nono
    Les élections israéliennes, qui s’en soucie ?

    Bibi et Gantz étant aussi raciste l un que l autre il n y a rien à espérer de ces gens là.

     

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  • #2280792
    Le 19 septembre 2019 à 18:17 par Titi
    Les élections israéliennes, qui s’en soucie ?

    Pour être pris au sérieux par l électeur israélien il faut avoir été un massacreur d Arabes .

     

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  • #2280884
    Le 19 septembre 2019 à 20:36 par VIVACHAVEZ
    Les élections israéliennes, qui s’en soucie ?

    C’est moi ou Bibi ressemble à un sanglier ?

     

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  • #2281088
    Le 20 septembre 2019 à 06:31 par Sedetiam
    Les élections israéliennes, qui s’en soucie ?

    C’est cela qui mettra dedans leur avidité : parce que cela n’a pas de sens.



    Vous ne pouvez pas proclamer que le Tout-Puissant vous a promis la Terresainte, si vous niez son existence et reniez la foi. Vous ne pouvez pas voter pour la loi fondatrice de l’Etat juif qui déclare qu’Israël est l’Etat juif pour les juifs, tout en reléguant les partis religieux hors du gouvernement.



    Mieux encore lorsque le monde aura compris que le mythe est un plagiat balourd qu’il n’en peut plus.

    C’est comme la « Cosa Nostra » et toutes les entités à l’identique et leur code d’honneur à la con. Quel honneur si ce n’est de la violence et de l’illégalité perpétuelle ? (d’ailleurs la Justice française qui a tendance au grand n’importe quoi ferait bien de s’inspirer que ces codes à la con et autres vendettas naissent d’un manquement de réelle Justice ou d’une Justice à deux vitesses : c’est de deux plateaux dont elle dispose, pas de deux vitesses, ô adeptes de la pédale que vous êtes : vous déraillez.)

     

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