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L’UE veut modifier le « Traité de Lisbonne »

Dans les conclusions de la réunion du 29 octobre du Conseil européen – constitué des chefs d’Etat et de gouvernement, du président du Conseil européen et du président de la Commission européenne – il est précisé à propos du contenu d’une telle modification qu’il s’agit de « renforcer la surveillance de la politique économique (des Etats membres) » et « d’instaurer un mécanisme permanent destiné à sauvegarder la stabilité du marché financier dans toute la zone euro ». Même la proposition de la chancelière allemande Merkel et du président français Sarkozy qui prévoit de priver, pendant une période assez longue, les pays qui ne respectent pas dans leur budget les critères de déficit* du droit de vote dans tous les organismes européens en ce qui concerne les questions de l’Union monétaire figure – en dépit des protestations des autres gouvernements exprimées avant la réunion et de nombreux articles de presse parus après la réunion – dans le document final du Conseil au titre de « mandat écrit » adressé au président du Conseil.

En décembre 2010, lors d’une nouvelle réunion, le Conseil européen prendra les décisions définitives.

Modification effectuée dans le dos des peuples

Alors que la majorité des articles de presse se concentrent sur la question de savoir qui a imposé sa volonté à Bruxelles et ont recours à toutes sortes de clichés, on n’évoque pas le problème constitutionnel et le caractère explosif des décisions qui sont sur le point d’être prises. La question ne sera pas débattue largement car le président du Conseil van Rompuy a annoncé qu’on adopterait « une procédure simplifiée de modification du Traité qui ne nécessite pas de référendums » ! (Deutschland funk, 29 octobre)

Les modifications prévues doivent être effectuées relativement vite afin qu’elles puissent être ratifiées « au plus tard au milieu de 2013 » sans consultation des citoyens à l’expiration du soutien accordé à la Grèce et des mesures de sauvegarde de l’euro. (Conclusions du Conseil européen du 29 octobre).

La « procédure de modification simplifiée » est réglementée à l’article 48-6 du Traité de Lisbonne, une nouveauté dont on a trop peu débattu compte tenu de son caractère explosif. Karl Albrecht Schachtschneider, dans sa plainte contre le Traité de Lisbonne, avait mis le doigt sur ce point névralgique. L’article 48-6 permet des modifications hors procédure habituelle, c’est-à-dire sans référendums, lesquels sont obligatoires – par exemple en Irlande lors de chaque modification – et demandés dans tous les pays membres.

Encore davantage de mise au pas et de centralisation

Les modifications prévues du Traité ne sont pourtant pas un détail mais une nouvelle étape vers un Etat fédéral donc une transgression des conditions mises par l’Allemagne à son adhésion à l’UE. Dans un commentaire paru le 30 octobre dernier dans la « Neue Zürcher Zeitung », on peut lire : « Le communiqué du Conseil européen […] nous montre que la politique de l’UE vise à l’harmonisation [on pourrait dire également : mise au pas] et à la centralisation. » Et plus encore : le projet de priver du droit de vote est inconnu dans les Etats fédéraux : il rappelle les méthodes utilisées en dictature.

La « surveillance de la politique écono mique » ne signifierait pas seulement un contrôle des budgets nationaux et par conséquent une ingérence dans les droits prioritaires, historiquement et philosophiquement fondés, du peuple souverain ou de ses représentants dans les parlements. Elle prive les pays encore davantage que jusqu’ici du droit de gérer souverainement leur économie.

Finalement, dans une interview accordée le 29 octobre au « Deutschlandfunk », le président du groupe parlementaire de la CDU-CSU a expliqué ce que le Conseil veut dire lorsqu’il parle d’un « mécanisme permanent de sauvegarde du marché financier dans toute la zone euro ». On envisage de modifier l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Celui-ci prévoyait jusqu’ici une « aide » financière des Etats membres de l’UE uniquement en cas de catastrophe naturelle et d’autres événements exceptionnels. Il s’agirait maintenant de permettre un transfert financier comme dans le cas de la Grèce et de la sauvegarde de l’euro.

C’est là reconnaître que ce que les gouvernements européens ont fait au printemps dernier à ce sujet n’avait pas de base légale.

Quel avenir pour l’UE ?

La voie suivie jusqu’ici mène à une impasse celle de la mise au pas et de la centralisation. La poursuivre constituerait une atteinte à la liberté, au droit et à la démocratie. On peut s’attendre à ce qu’elle n’apporte pas de solution aux problèmes de l’Europe et des Etats européens. La tentative d’éviter les questions fondamentales de l‘UE est vouée à l’échec. Aucune propagande, aussi habile soit-elle, ne pourra empêcher cela, car, finalement toute politique se heurte aux réalités.

Parmi ces réalités, il y a le fait que le modèle néolibéral, qui est à la base des traités de l’UE, a échoué. L’économisme s’est avéré être une mauvaise théorie, une idéologie propagée dans l’intérêt d’une oligarchie. Il ne tient pas compte des hommes, de leur dignité, et de leurs aspirations à la liberté, à l’égalité et à la justice. Parmi ces réalités, il y a également le fait que la classe politique de l’UE et des Etats membres perd de plus en plus de sa crédibilité. Un nombre grandissant de personnes reconnaissent que leurs sociétés sont entraînées dans une mauvaise direction. Parmi ces réalités, il y a encore le fait que les citoyens cherchent partout en Europe à déterminer eux-mêmes leur destin politique.

Une autre voie fondée sur la volonté citoyenne

Y a-t-il une solution ? Sans doute uniquement si l’on part d’une volonté sérieuse des citoyens. Il s’agirait notamment de développer une autre Europe fondée sur le droit et l’éthique. Il existe des repères dans l’Histoire, par exemple l’idée d’une « Europe des patries » (Charles de Gaulle) – sans hypertrophie bureaucratique liberticide. Une Europe où les Etats et les peuples puissent décider de nouveau librement quels traités ils veulent conclure. L’UE actuelle est un produit de l’après-guerre. A l’époque, Les Etats-Unis, puissance victorieuse, ont voulu que les peuples de l’Europe se plient à la volonté de Washington et de New York et à cette fin, il fallait les mettre sous tutelle.

Les changements qui se produisent dans le monde ouvrent de nouvelles voies. Ce serait une aubaine pour l’Europe que de devenir indépendante. Elle le doit si elle veut survivre.

* Le déficit annuel ne doit pas dépasser 3% du PIB et la totalité de la dette publique ne doit pas excéder 60% du PIB, conditions que presque aucun Etat de la zone euro ne remplit.