Egalité et Réconciliation
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Fabrice Robert devant l’Eurocalypse

Suite à la publication d’Eurocalypse, le collectif Solon avait offert un exemplaire à Fabrice Robert. Le président du Bloc Identitaire a lu notre bouquin. Et comme Alain Soral il y a quelques semaines, il a bien voulu en parler avec nous.


Scriptoblog : Fabrice Robert, nous vous avons passé « Eurocalypse ». Il s’agit d’un roman de politique-fiction rédigé sur le site scriptoblog.com par un comité de cinq auteurs.

Thème général : 2038, la France n’existe plus, l’Europe est devenue une sorte de nouvelle Union Soviétique « eurocorporative », c’est-à-dire à la fois néolibérale et étatiste – les multinationales se sont fédérées pour former un nouvel Etat. Le territoire est divisé en europrovinces, elles-mêmes divisées en intrazones, riches et fliquées, ambiance Fahrenheit 451, et extrazones, pauvres et violentes, ambiance Soleil Vert. A la suite d’une manipulation qui tourne mal, le système déraille, et c’est… l’eurocalypse ! Ambiance : un mélange « Camp des Saints », « Ravages », « Villa Vortex », en proportions instables.

Vous nous avez fait l’honneur de jeter un coup d’œil à ce travail. Nous aimerions avoir votre opinion – pas tellement sur la forme, l’intrigue n’est qu’un prétexte, il y aurait plein de trucs à reprendre pour en faire un roman au sens classique du terme. C’est sur le fond que nous voudrions votre avis, sur les grandes thèses que nous avons retenues.

Compte tenu des rapports de force et malgré le combat que nous allons évidemment livrer à vos côtés, les dissidents ne pourront pas empêcher le démantèlement des Etats-nations et la création d’un empire du capital mondialisé, organisé en trois pôles à la fois concurrents et alliés : Alliance Panaméricaine, Union Eurocorporative, Sinosphère. Telle est la thèse retenue dans Eurocalypse. Pensez-vous que ce monde soit notre avenir (hélas), et quel scénario géopolitique alternatif pourriez-vous imaginer ?

Fabrice Robert : Je n’ai pas la prétention d’être un devin, ni - encore moins - un prophète. Je me garderai donc bien de prédire avec certitude quel sera l’avenir géopolitique de la planète. Je ne suis pas certain que le découpage que vous évoquez sera aussi simple et se limitera à ces trois empires. L’Alliance panaméricaine pourrait bien être contestée par un continent sud-américain fatigué, comme beaucoup, de subir la Pax Americana et il n’est pas impossible que le B olivarisme y revienne en force. En outre, que restera-t-il des Etats-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui, compte tenu de la montée en puissance des latinos ? Enfin, si la Chine poursuit sa conquête rampante d’un certain nombre de pays d’Asie, il n’est vraiment pas certain qu’elle n’ait pas, elle aussi à subir des contestations de ses vassaux.

Quid de l’Inde ? Plutôt qu’une « partie à trois », il est aussi possible d’envisager un jeu bien plus ouvert donc bien plus instable…

J’ai aussi le sentiment que l’on va, certes, vers un démantèlement des Etats-Nations mais avec, comme corollaire, une (re)constitution d’ethno-nations en partie détachées de leur base géographique. Dans un monde atomisé et sans repères, un afro-américain, un beur ou un euro-américain pourraient se raccrocher un peu plus à la culture, à l’histoire ainsi qu’à la terre de leurs ancêtres. Le processus est d’ailleurs déjà en marche de nos jours lorsqu’on voit que l’échec des politiques d’intégration aboutit à une communautarisation des sociétés modernes. Citons l’exemple de ces nord-africains qui vivent sur notre sol, profitent des avantages liés à la citoyenneté française et qui vont chercher leur femme au Bled.

J’imagine qu’en cas de crise majeure (si tant est que cette notion ne soit pas un mythe incapacitant comme a pu l’être celle de « grand soir »), les populations vont se raccrocher à ce qui leur est proche, d’un point de vue géographique comme d’un point de vue ethno-culturel et religieux.

Scripto : Etant donné les principales équations énergétiques et écologiques, et malgré le progrès technologique, le niveau de consommation des européens va stagner globalement dans les décennies qui viennent. Dans ces conditions, pour maintenir le way of life de l’hyperclasse mondialisée, les classes populaires européennes vont progressivement converger vers la situation de leurs homologues des pays sud-américains ou asiatiques, disons le niveau de précarité des Argentins après la crise de 2000, ou bien actuellement celui des Chinois de la façade océanique. Voilà la thèse retenue dans Eurocalypse. Est-ce ainsi que vous voyez l’avenir ? Quel autre scénario socio-économique pourriez-vous imaginer ?

FR : Globalement votre scénario est tout à fait réaliste. Il y a même de fortes chances pour que l’avenir qui nous attend se déroule tel que vous le décrivez. Je pense en effet que l’hyperclasse mondialisée, afin d’assoir définitivement sa prédominance sociale, s’est embarquée dans un processus irréversible de refonte totale des sociétés humaines. Ces nouvelles élites, engendrées par un turbo-capitalisme de troisième type, iront donc jusqu’au bout de leur logique et mobiliseront en ce sens tous les moyens que l’orgie technologique qui stimule nos sociétés ultra-productivistes saura leur offrir. Cela, nous le savons et reste un sujet d’épouvante.

Pourtant, je pressens en même temps que les énergies que ces élites sont en train de remuer, et donc de libérer, sont proprement titanesques... largement au-delà de ce qu’elles peuvent décemment prétendre maitriser. Nos oligarques planétaires sont donc littéralement emportés dans un emballement de cavalerie qu’ils accompagnent plus qu’ils ne contrôlent. Ils courent derrière des incendies à éteindre qui s’allument les uns après les autres. Jour après jour, les fondamentaux financiers se dégradent au point que désormais même les plus orthodoxes des libéraux en appellent à la nationalisation des banques en faillite, et ce afin d’éviter la déflagration d’une splendeur atomique du système financier planétaire. La banque londonienne Northern Rock ? Nationalisée ! La banque américaine Bear Stearns ? Nationalisée ! La banque allemande IKB ? quasi-nationalisée ! Cette semaine encore, Wall Street s’inquiétait vivement après les résultats dégradés de Morgan Stanley et Goldman Sachs, sans compter les lourdes pertes de Lehman Brothers confirmées en début de semaine dernière et les rumeurs qui secouent Merrill Lynch. Que veut dire tout cela ?

D’une bulle à l’autre (sur les technos, sur l’immobilier, sur le pétrole, sur les céréales,…) les décideurs financiers, tout emportés qu’ils sont dans une fuite en avant, refusent de reconnaitre un vice de conception dans leur modèle. Alors que tout laisse croire à un triomphe total, jamais les équilibres économico-financiers n’auront été autant instables. Le socle qui soutient l’ensemble se fissure de l’intérieur. De nombreux économistes parmi les plus lucides disent déjà discerner, en gestation, les signes de bouleversements futurs majeurs. Par exemple, le dollar a perdu beaucoup de son crédit ces derniers temps au point que son rôle de monnaie de réserve internationale se voit sérieusement remis en question. L’entrée de deux à trois milliards d’asiatiques dans la société de consommation porte le coût du pétrole à des niveaux effarants. La démographie mondiale toujours hors contrôle (notamment en Afrique noire) surexcite une spéculation sur les denrées alimentaires aux conséquences prometteuses en dévastations politiques et sociales. Des émeutes de la faim explosent déjà un peu partout dans le monde, même dans des pays relativement avancés comme l’Égypte. L’économie monde ne repose que sur une montagne de dettes et de titres pourris surcotés. Et nous ne parlons pas de ce grand saccage écologique qui menace jusqu’à la viabilité sur la planète terre à moyen terme.

Contrairement à ce que tout le monde croit, personne n’a de solution pour éviter que tous ces problèmes ne convergent en un seul point et ne provoquent à terme une crise majeure d’ordre systémique. Certains pensent même que cette crise systémique a déjà commencé et que nombre de ses symptômes sont déjà clairement visibles. Ceci laisse penser que plus que nous encore, l’hyperclasse mondiale est engagée dans une course contre la montre qu’elle ne peut gagner. D’où d’ailleurs les nombreux signes de raidissement totalitaires de plus en plus perceptibles. Tous les espoirs restent donc permis.

Scripto  : Dans Eurocalypse, la baisse de la consommation réelle sera partiellement compensée par l’explosion de la consommation de « mondes virtuels », au point que le virtuel va remplacer le réel pour une grande partie de la population. Pensez-vous possible de continuer à faire de la politique dans un monde pareil ? Peut-on faire voter les zombis ? Comment faire de la politique quand il n’y a plus de Polis ? Restera-t-il demain des militants ? Et des électeurs capables de s’intéresser à la chose publique ?

FR : Vous avez entièrement raison ! Et c’est là, sans doute, que réside la survie du Système… mais jusqu’à quand ? N’oublions pas que la « camarade vodka » a longtemps été la meilleure alliée du Kremlin communiste en contribuant à détourner l’homo sovieticus de toute velléité de contestation. Et la Science-fiction est un genre qui permet d’élaborer bien des scénarii.

Pour abonder dans votre sens, me reviennent en mémoire trois nouvelles que j’avais lues il y a bien longtemps. Les deux premières, dont je n’ai pu retrouver les références, décrivaient une société où l’ensemble de la population était droguée à son insu, l’une, pour faire croire au travailleur de base luttant contre la rouille qu’il était un héros invincible guerroyant sans relâche contre un ennemi extraterrestre, la deuxième évoquant une bande d’amis, qui, dans un futur proche, se réunissaient pour se donner des sensations : dans cette société qui avait connu la guerre, chacun devait, à heure fixe et dès que retentissaient les sirènes, s’injecter une dose de somnifères afin d’éviter d’être pris d’hallucinations. Le jeu consistait pour ces jeunes à retarder le plus possible cette injection afin d’avoir des « visions ». Et que voient-ils ? Une société post-apocalyptique où les villes en sont que ruines et eux-mêmes des quasi-mutants rongés par les radiations. Ils voyaient – enfin – la réalité. Comme quoi, l’idée de la « Matrix » n’est pas nouvelle.

La troisième m’avait encore plus marqué : dans « l’éducation de Tigress Macardle » de C.M. Kornbluth (1957), les couples américains – des bobos hédonistes - qui souhaitent devenir parents, sont auparavant contraints de se soumettre au « Programme des Qualités Requises pour la Procréation » : durant trois mois ils doivent s’occuper d’un « Bambino », un insupportable nourrisson-robot conçu pour amener ceux qui désireraient devenir parents au bord de la crise de nerfs et les inciter à se faire volontairement stériliser. La nouvelle s’achève par cette phrase : « Les premières vagues chinoises débarquèrent en Californie trois générations plus tard – mais ne devrions nous pas employer le mot « non-génération » ? Elles ne rencontrèrent aucune résistance de la part d’une population âgée et de très faible densité », mots prononcés par un professeur d’histoire chinois tout en contemplant « les grandes rizières de Central Park ». Trois nouvelles datant des années 50/60. Prophétique, non ? Et le virtuel n’en est qu’à ses débuts…

Alors il est clair que dans ces conditions il sera de plus en plus difficile de mobiliser les « zombies ». Les faire voter ? Ça oui, sans problème et plus que jamais ! Pour tout et pour rien ! Pour savoir si untel doit être exclu de la StarAc’, si Unetel a bien reçu ses invités, si Jennifer doit quitter Brandon pour sortir avec Steevie… Les raisons de voter – surtout lorsqu’il n’y a pas de réel enjeu – ne manquent pas. Mais, dans le même temps, les oligarchies au pouvoir n’hésitent pas à remettre en cause leurs propres principes démocratiques lorsque les peuples votent mal. Nous avons pu le constater, par exemple, après la victoire du Non en France lors du référendum sur la constitution européenne. Le Non irlandais va-t-il sceller le sort du Traité de Lisbonne ? Il y a fort à parier que les Eurocrates trouveront une parade pour bafouer à nouveau la volonté des peuples. Mais ces méthodes sont-elles acceptables sur le long terme ? Ne sont-elles pas susceptibles de mettre en cause la légitimité des élites au pouvoir ?

Je crois, pour ma part, au principe de réalité. Si un jour les gens ont vraiment froid, faim, peur et mal, certains d’entre eux bougeront peut-être. Le problème, c’est que le seuil de faim, de peur, de douleur recule sans cesse grâce aux psychotropes médiatiques. C’est là la force du Système : être capable de faire accepter l’inacceptable. Mais le Système n’est pas à l’abri de dérèglements qui peuvent à tout moment lui être fatal. Lorsque des hommes et des femmes se lèvent et montrent que le Roi est nu, tout devient possible. Même dans une société en voie de dépolitisation, je crois à la persistance du fait militant et de l’esprit de résistance. Il ne faut jamais négliger la capacité de réaction des peuples. Et l’avenir pourrait nous réserver des surprises.

Scripto  : Pour contrôler la population, dans Eurocalypse, le pouvoir cherche à la diviser, sur tous les continents. Notre hypothèse : on opposera les intrazones, classe moyenne, 5/10 % de la population, maîtrise des leviers technologiques, aliénation par la consommation transgressive, aux extrazones, 90/95 % de la population, ignorance, enfermement ethnocommunautaire, aliénation par la consommation régressive. On opposera les extrazonards entre eux, en suscitant des conflits interethniques à très basse intensité. Problème : cet ordre par le chaos peut à tout moment dégénérer. Nous situons cet accident vers 2040, lorsque les tensions entre l’Alliance Panaméricaine et la Sinosphère débouchent sur l’instrumentalisation par chaque camp des minorités ethniques présentes dans l’autre camp. A votre avis, est-ce un scénario crédible ? Pouvez-vous imaginer un autre scénario ? Le système mondialiste néolibéral peut-il fonctionner en vitesse de croisière indéfiniment ? Peut-il se réformer ? Ou bien pensez-vous que le craquement va se produire avant, bien avant l’an 2040 ?

FR : Difficile de prévoir. Sachant qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité du Système à neutraliser les oppositions et les conflits pour assurer sa survie.

Ceci étant dit, faire le choix d’assurer l’ordre par le chaos peut se révéler un jeu très dangereux surtout lorsque s’y greffent des conflits interethniques qui peuvent exploser à tout moment.

Tant que les diverses communautés sont tenues par une main de fer, tout se passe plus ou moins bien. Mais une fois que le Système perd pied, c’est l’explosion généralisée. Il suffit de penser aux Balkans, après la chute de la Yougoslavie, pour mesurer le danger.

Scripto : Dans le roman, à un moment, un jeune homme de 2040 dit à un vieil homme, de votre génération à peu près : « Si vous aviez déclenché une crise mineure en 2010, nous aurions évité la catastrophe de 2040. » Que pensez-vous de cette question, en direct de l’avenir ?

FR : Si la crise mineure n’a pas été déclenchée en 2010, c’est que les conditions n’étaient tout simplement pas réunies. Parce que le Système était trop puissant – malgré la présence de points faibles – mais aussi parce que les dissidents n’avaient pas réussi à créer un pôle de contestation efficace et rassembleur. Et quand bien même ce pôle de contestation aurait été déployé, encore faut-il que celui-ci rencontre les conditions historiques nécessaires pour s’exprimer. Combien de destins n’ont-ils pas vu le jour parce que l’époque ne le souhaitait pas ?

Il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité du Système à générer ses propres contestations pour mieux se protéger. Lorsqu’un Besancenot vient faire le pitre chez Drucker, le Système peut dormir sur ses deux oreilles. La lutte des classes et la révolution du prolétariat n’est pas pour demain.

Pour ma part, je pars du principe qu’il faut tout faire pour accélérer le processus de désagrégation du Système et obtenir cette « crise mineure » que vous évoquez. En prônant la politique du pire pour démasquer les agissements de ceux qui nous gouvernent, en lançant des actions qui mettent le Système face à ses contradictions pour espérer ainsi un réveil plus rapide de notre peuple.

Si les Identitaires agissent aujourd’hui, c’est bien pour éviter une catastrophe qui pourrait s’avérer irrémédiable pour le destin des peuples européens. Le défi est de mettre en adéquation notre combat pour l’identité avec ceux qui pratiquent l’identité sans en avoir compris les implications politiques et culturelles. Mais nous ne sommes pas totalement maîtres de notre destin. Obtenir cette « crise mineure » nécessite des conditions historiques sur lesquelles nous n’avons pas complètement la main…

Scripto  : En face du déploiement de la mécanique totalitaire qui nous conduit à cette catastrophe, les dissidents ne peuvent finalement pas faire grand-chose, à part essayer de se préparer à faire face, le jour venu, quand l’Histoire accélèrera. En attendant, le rapport de forces a basculé de manière décisive du côté du système. La machine médiatique à lobotomiser les foules est devenu un outil de contrôle social plus performant que n’importe quelle police politique, le monde de l’électronique consumériste est aussi celui du flicage généralisé. Toute action directe est vouée à l’échec, toute action politique classique sera étouffée par le système, ou bien récupérée. Dans ces conditions, les dissidents ne peuvent concrètement que constituer progressivement une fraction, consciente, organisée, se préparant pour le jour où le système craquera sous le poids de ses contradictions. En attendant, il ne s’agit que de recruter, d’apprendre à travailler en réseau, selon des organisations apprenantes, capables de coordinations à grande échelle quand c’est possible, mais aussi de fonctionner sur la base de nombreuses cellules autonomisées, si c’est nécessaire. Voilà notre thèse. Et vous ? Croyez-vous encore à l’action politique classique ? Comment voyez-vous l’action de la dissidence, dans les années et les décennies qui viennent, en face de ce système de plus en plus totalitaire, de plus en plus puissant, de moins en moins vulnérable ?

FR : Aucune puissance mondiale, aucun système n’est invulnérable. L’Histoire est rythmée par des cycles. Des empires se sont constituées, ont connu leur heure de puissance et d’hégémonie puis se sont effondrés pour laisser leur place à d’autres. Je ne crois pas à une vision linéaire de l’Histoire. Tout peut évoluer, rien n’est jamais définitif. Et une puissance déchue peut retrouver un jour de sa splendeur sous d’autres formes et dans un contexte différent.

La donne a changé aujourd’hui. Si l’action politique classique ne semble pas la plus à même de faire évoluer les choses, dans le même temps, ceux qui sont sensés nous gouverner ne possèdent pas réellement aujourd’hui les clés du pouvoir. Celui-ci se trouve ailleurs, aussi bien dans les cercles économiques et financiers que dans les grands organismes internationaux. Finalement, tout ceci me donne une impression de vivre dans une société du simulacre. Ceux qui pratiquent l’action politique classique cherchent à remplacer ceux qui sont au pouvoir mais qui, en réalité, n’en possèdent aucun ou très peu… En ayant conscience de cela, il convient de concentrer notre action sur ceux qui gouvernent réellement aux destinées de notre peuple.

Comme vous, je considère que l’avenir est au travail en réseau. C’est d’ailleurs la logique stratégique des Identitaires depuis leur création. Nous avons toujours voulu fédérer des hommes, des projets, des compétences pour multiplier les initiatives destinées à créer des îlots de résistance. En investissant le terrain associatif et syndical, en multipliant les initiatives de lobbying, en s’impliquant sur le terrain culturel – ceci dans une optique gramsciste –, nous voulons démontrer que le combat n’est pas uniquement électoral, que celui-ci doit être total. Car le pouvoir ne se prend pas uniquement dans les urnes mais à travers des outils (associations, groupes de pression, etc.) et des supports (réseau Internet, musique, littérature, etc.).

En agissant comme des franc-tireurs – un peu comme la Fraction présentée dans votre roman –, nous pensons qu’il est possible de montrer l’exemple, de mettre le système face à ses contradictions grâce à des actions ciblées. Des actions qui peuvent se transformer en petites victoires qui démontrent que rien n’est jamais perdu et que l’espoir peut renaître. Nous voulons être l’étincelle qui peut embraser un jour la forêt…

Toutefois, nous ne préparons pas un « Grand Soir ». Nous agissons au quotidien en ayant la certitude que chaque petite victoire représente une reconquête partielle de notre territoire et de nos libertés. Nous ne sommes pas dans le romantisme mais dans le concret. Lorsque l’on lance une maison de quartier – comme la Maioun et la Vlaams Huis –, c’est un espace de liberté et de résistance que nous avons reconquis sur notre sol.

Scripto : Quand on regarde les équations démographiques sur la planète, on se rend compte que le discours sur « l’invasion musulmane » tenu par les néoconservateurs est assez déconnecté du réel. L’indice de fécondité des femmes maghrébines est déjà à 2,8, il sera probablement à 2 d’ici 15 ans. Dans l’orient arabo-musulman, c’est plus contrasté, mais certains pays, l’Iran par exemple, sont pratiquement déjà en stabilisation démographique. Par contre, d’immenses vagues migratoires sont à craindre venant d’Afrique subsaharienne (+ 1 milliard d’hommes en 35 ans, développement incertain), et du sous-continent indien (+ 1 milliard d’hommes en 30 ans, densité de population insupportable, risque écologique). Dans ces conditions, nous supposons, dans Eurocalypse, qu’en 2040 les « extrazones » « nordafs » sont assez calmes, presque prospères par rapport aux vrais problèmes urbains de la France submergées de 2040, c’est-à-dire les extrazones « afros ». Que pensez-vous de cette projection ? Le problème de l’Europe de demain, la question noire ?

FR : Le problème n’est pas « l’invasion musulmane » mais l’invasion migratoire impliquant des populations extra-européennes.

Toutefois, je considère que l’Islam se développe de manière dangereuse sur le sol européen. En effet, l’Islam est une religion non européenne qui aujourd’hui tente de prendre racine sur notre continent à travers diverses revendications : construction de mosquées, port du voile, demandes de subventions et de représentation institutionnelle. L’Islam participe à la communautarisation de notre société et reste un terreau privilégié du développement de l’immigration. En effet, toutes les conditions semblent réunies aujourd’hui pour que les arabo-musulmans s’installent en masse en France puisqu’ils pourront pratiquer leur mode de vie et leur foi comme dans leur pays d’origine. Ne pas se focaliser sur l’Islam donc mais ne pas oublier non plus qu’il peut exister un lien entre cette religion et le développement d’une certaine immigration.

Ceci étant dit, la menace principale reste l’invasion migratoire, que celle-ci provienne de l’Orient arabo-musulman, de l’Asie que de l’Afrique subsaharienne. Tout ce qui est susceptible de porter atteinte à l’identité ethno-culturelle des peuples d’Europe doit nous préoccuper au plus haut point. Et quand bien même l’indice de fécondité des femmes maghrébines serait amené à diminuer, c’est bien la présence massive de populations extra-européennes sur notre terre qui tend aujourd’hui à modifier en profondeur le visage de l’Europe. Dans son livre intitulée « La France africaine », Jean-Paul Gourévitch écrit ces lignes terrifiantes : « Au milieu du XXIème siècle, et pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le nombre des enfants d’origine étrangère résidant en France métropolitaine va dépasser celui des enfants d’origine française ». Nous sommes en train d’assister à un véritable risque de substitution de population.

Alors, faut-il se focaliser sur les immigrés issus de l’Afrique subsaharienne sachant que l’indice de fécondité de leurs femmes pourrait aussi, à terme, baisser après quelques décennies d’occidentalisation plus ou moins réussie ? Et qui nous dit que le fait de moins procréer pourrait devenir un facteur de stabilité chez les populations maghrébines ?

Pour ma part, une société harmonieuse ne peut voir le jour lorsqu’il y coexistence massive de populations d’origines différentes sur un même territoire.

Scripto  : D’une manière générale, dans Eurocalypse, ce sont les populations issues des zones en explosion démographique actuellement qui posent des problèmes dans l’Europe de 2040. Dans Eurocalypse, nous supposons donc que lorsque le système s’écroule, les extrazonards nordafs et asios deviennent les alliés des « européens de souche », pour faire face au problème insurmontable posé par les millions de subsahariens déracinés, lesquels finissent d’ailleurs par payer la facture du désastre, dans des conditions épouvantables… Que pensez-vous de ce scénario ? Quelle stratégie devrions-nous déployer, nous autres Français, dans ce type de contexte ? Devons-nous préparer des alliances de ce type ?

FR : Pour commencer, je tiens à préciser que je ne crois pas réellement à une « réconciliation » entre allogènes et Européens de souche, rendus « égaux » et solidaires face aux nouvelles vagues d’immigration. Parce qu’alors, cela aurait déjà été le cas, même si les conditions socio-économiques actuelles ne sont pas aussi catastrophiques que celles que vous décrivez. Pourtant aujourd’hui, un beur né en France se sent bien plus proche d’un « blédard » fraîchement débarqué de sa mechta que d’un « petit Blanc » de banlieue avec lequel il a grandi. Bien sûr, on pourra toujours m’opposer des exemples contraires, des racailles blanches « intégrées » dans des bandes allogènes, de jeunes beurettes qui rêvent d’une vie « à l’européenne » dans les bras d’un gentil « de souche », mais j’ai envie de répondre comme Jean Gabin dans le Président : « Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre. »

Me revient en mémoire ce qu’avait déclaré en février 2001 Aziz Sahiri, ancien conseiller technique de 1989 à 1995 auprès d’Alain Carignon, alors maire de Grenoble, à Paris-Match qui lui demandait s’il y avait « une américanisation de la délinquance en France » : « Je crois plutôt à une "maghrébinisation". Certains vont interpréter cela comme un discours radical, mais c’est plus facile pour moi de le dire en étant issu d’un couple mixte (...) Je travaille en tant qu’éducateur spécialisé depuis 23 ans. Je suis sur le terrain en permanence. La majorité des groupes est dominée par les Maghrébins ». Sept ans après, la situation n’a guère changé, au contraire. L’ethnicisation des groupes, et pas seulement des groupes délinquants, se renforce. Et c’est logique. Quand on a peur, on se rapproche de son semblable. Prenez l’exemple des prisons américaines, justement : le nouvel interné rejoint son groupe racial d’origine : le Blanc avec les Blancs, le Noir avec les Noirs, le Latino avec les Latinos, etc.

Par ailleurs, les populations exportées pourront toujours être tentées de réagir aussi en fonction des conflits de leurs zones d’origine.

Bien sûr, il se peut qu’on assiste, ça et là, à des situations de « coopération-concurrence » comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les grandes entreprises et pour certaines mafias. Et votre scénario évoquant une association entre allogènes (nordafs et asios) et « européens de souche » face à l’invasion subsaharienne n’est pas totalement dénué de sens. En effet, l’Histoire regorge d’exemples de populations immigrées fraîchement intégrées et qui voient d’un très mauvais œil l’arrivée de nouveaux migrants sur la terre qui les a accueillis. L’on connaît le réflexe du nouveau converti qui en rajoute toujours un peu plus pour prouver qu’il fait bien partie du groupe. Mais, en l’occurrence, la situation est bien différente. Il n’y a pas intégration mais communautarisation exacerbée sur le sol européen avec la présence de populations qui évoluent dans un monde rythmé par la violence, le chaos et les conflits inter-ethniques. Il peut éventuellement y avoir une association ponctuelle en fonction d’un événement particulier mais je ne pense pas qu’une « alliance » stable et durable puisse naître entre groupes antagonistes qui continuent à être placés en situation de conflit.

Scripto  : Dans Eurocalypse, nous supposons que des individus appartenant à un groupe vont basculer dans un autre groupe au moment décisif. Par exemple, il y a des « nordafs » qui se rattachent à la culture « euro », des « asios » qui rejoignent le Extra-Power des « néomusuls », etc. A nos yeux, c’est le conflit qui sera le juge de paix. Tant que le système se maintient, les gens sont enfermés dans des pseudo-identités qui finalement ne veulent plus dire grand-chose. Mais une fois les évènements catalysés, la véritable identité des gens se révèlerait, et on s’apercevrait alors que des identités culturelles mutantes existaient, de manière latente, sous le patchwork communautaire. A vos yeux, peut-on aujourd’hui définir ce qui fait qu’un homme est un européen ? Un Français ? Peut-on définir ces termes, alors que le système continue à fonctionner, et à brouiller tous les concepts ?

FR : La fameuse citation du Général de Gaulle reste pour moi toujours autant d’actualité : « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ». Dans ma vision des choses, la France ne se résume pas à une idée, un simple fait administratif ou bien encore à un segment du marché mondial. La France est avant tout une réalité charnelle et historique mais qui est aujourd’hui mise à mal par les propagandistes de l’universel, du métissage et du village global.

Le peuple français, mieux que le peuple qui se veut français, ce devrait être le peuple qui se SAIT français et qui se rattache à une histoire, une culture et à une civilisation.

J’ai beaucoup aimé l’article de Raspail « la patrie trahie par la République » publiée en 2004 dans Le Figaro. On peut notamment y lire les lignes suivantes : « Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français - et pas nécessairement tous de race blanche - qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera pas facile. Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte - je cherche un terme approprié - d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore. »

Ce document apporte peut-être quelques éléments de réponse pour essayer d’imaginer ce qui attend nos descendants qui voudront rester Français.


Scripto
 : Passons à des choses plus gaies. Dans Eurocalypse, nous pronostiquons le surgissement d’une dissidence apte à « défocaliser » le récit collectif dans lequel le système enferme les citoyens. Cette dissidence n’a pas pour méthode de construire un contre-récit sur le système, mais d’élaborer le récit d’un contre-système. Elle ne cherche pas à réformer une société qu’elle sait irréformable, mais à construire une contre-société. Que pensez-vous de cette approche ?

FR : Je partage complètement cette approche qui est d’ailleurs celle des Identitaires depuis le début. Nous savons que la société est irréformable et qu’il faut imaginer des pistes, des outils et des projets permettant de poser les bases d’une contre-société.

Toutefois, je dis : attention ! Il ne s’agit par pour autant de nous couper du monde pour vivoter en vase clos. Cela a été une tentation récurrente dans nos milieux durant les années 70/80. La « République du Mont Blanc » pour exaltante qu’elle soit, n’est qu’un mythe. Nous n’avons pas vocation à devenir les Amish du IIIe millénaire ! Le secret ? « Être dans le monde sans être du monde ! » et « Être dans le peuple comme un poisson dans l’eau » La contre-société peut – et doit !- se bâtir au quotidien, jour après jour. Et cela commence par à son niveau personnel. Comment prétendre changer le monde si l’on n’est pas capable de se changer soi-même ? C’est d’ailleurs là l’un des mots d’ordre des Identitaires : « ne laisse pas faire demain par autrui ce que tu peux faire, toi, aujourd’hui même ».

Aujourd’hui, le développement d’une dissidence passe notamment par la création de réseaux d’entraide et de solidarité, de supports diffusant une contre-culture ou encore par la mise en place de médias alternatifs qui permettent de diffuser largement le message de la dissidence.

Scripto : Pour construire cette contre-société, la dissidence que nous imaginons dans Eurocalypse déploie des stratégies métapolitiques en surplomb de ses choix organisationnels. Un espace sémantique est progressivement autonomisé par rapport au discours dominant, un style de vie spécifique est développé, et même une véritable culture autonome. Que pensez-vous par exemple de notre idée, sur Scriptoblog, d’utiliser de plus en plus la fiction comme principal vecteur de propagande ?

FR : C’est une très bonne idée. A condition que la propagande ne l’emporte pas sur les qualités littéraires du récit… et que le projet n’engendre pas un nouveau ghetto déconnecté du réel.

Vous savez bien que la politique n’a jamais ignoré la SF, et ce dès son âge d’or aux Etats-Unis : pour prendre l’exemple des deux revues américaines du genre les plus célèbres des années 60, Astounding était plutôt à droite, Galaxy plutôt à gauche. En France, après 68, la vague gauchiste a voulu enfermer la SF française dans une dimension strictement politique, militante. On l’a vu avec la NSFFP (Nouvelle Science-Fiction Française Politique) - dont la revue Fiction puis les éditions Kesselring ont constitué les deux points d’ancrage – ou encore avec la colonisation de la collection « Anticipation » du Fleuve Noir par des auteurs comme Jean-Pierre Andrevon, Pierre Pelot, Michel Jeury, etc.

Une SF militante qui n’a pas résisté – paradoxalement ou logiquement ? – à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 et à la fin des illusions. Pour prendre un exemple « de chez nous », dans quelle mesure la vision développée par Guillaume Faye dans Scènes de chasse en cield’Europe a-t-elle résisté à l’épreuve du temps ?

Je crois fermement à la littérature de fiction (dans une acception très large : Anticipation, Politique-fiction, Fantastique, Uchronie, Utopie/Dystopie, Heroïc Fantasy…) a vocation à questionner le présent et de proposer des pistes pour l’avenir. Une aventure comme celle du Réalisme fantastique, engendré par le Matin des Magiciens et la revue Planète du binôme Bergier-Pauwels, est sans-doute aussi, une piste à suivre dans la mesure où cette revue puis ce mouvement ont su, en leur temps, rassembler des écrivains de fantastique, de SF, généralistes, des scientifiques, des peintres, des photographes… Il ne s’agit pas, bien sûr, de tomber dans les travers qu’a pu connaître ce mouvement ni surtout dans les délires de ses épigones comme Robert Charroux. Mais je pense que votre aventure littéraire aurait tout à gagner à ne pas se cantonner dans un genre littéraire unique et surtout à s’appuyer sur d’autres formes de création telles que la peinture, la bande dessinée, la musique ou la photo. Une première aventure littéraire a été vécue dans les années 80/90 avec les Contes d’Europe, ces recueils de nouvelles d’écrivains enracinés.

Désormais Internet ouvre des possibilités inconnues des aventures précédentes. Je pense que Scriptoblog peut jouer un rôle dans la reconquête de notre imaginaire. En s’appuyant sur l’existant et en osant ouvrir des pistes nouvelles… et en n’omettant pas de s’intéresser aux expériences de nos camarades européens.

Scripto  : Eurocalypse est un roman très noir, il décrit un avenir sombre. Mais en même temps, c’est un message d’espoir. Le message, c’est que même dans le pire scénario, il reste quelque chose à faire. Le monde que nous décrivons est entièrement mort à l’esprit – sauf, justement, dans la dissidence. Et les dissidents, pour cette raison, vivent une aventure extraordinaire : pendant quelques mois, quand tout vacille, le principe d’humanité ne survit que parce qu’ils le portent en eux. Confrontés à une catastrophe à laquelle rien ne les préparait, ces hommes et ces femmes au départ ordinaires changent, ils découvrent progressivement des vérités sur eux-mêmes qu’en temps normal, ils n’auraient même pas pu imaginer. Peut-être que la période très rude que nous décrivons sera l’occasion de refonder enfin une culture digne de ce nom ? Et si c’était cela, le vrai combat ? Qu’en pensez-vous ? Devons-nous considérer qu’à l’heure où notre vieux monde mourra, nous aurons enfin l’opportunité d’en créer un nouveau ? Et si oui, lequel ? Comment voyez-vous le jour d’après ?

FR : L’Histoire montre que des gens apparemment ordinaires peuvent changer lorsque certaines conditions les poussent à se révéler. L’homme possède en lui des ressources insoupçonnées et une situation chaotique peut en amener certains à se transcender.

Je crois en la capacité de réveil d’un peuple surtout lorsque celui-ci est confronté à une catastrophe et qu’il faut choisir entre vivre ou disparaître.

Il nous faut donc peut-être miser sur une crise majeure pour espérer un véritable réveil des peuples d’Europe.

À quoi pourrait ressembler ce nouveau monde bâti sur l’ancien ? J’imagine un continent européen qui soit le produit d’une synthèse entre des phases de Reconquista et la constitution d’isolats tels qu’annoncés par Raspail. Mais là, seule l’Histoire le dira…

Source : http://www.scriptoblog.com