Egalité et Réconciliation
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Le Journal de la Deuxième Grande Dépression 4.3

Les évolutions récentes de la crise sont intéressantes à plus d’un titre. Elles sont en effet révélatrices de trois tendances de fond : la priorité accordée à l’économie virtualisée, une gestion de court-terme, le déclenchement d’une véritable guerre sociale ouverte. Trois tendances qui convergent pour nous indiquer ce qu’est la nature de la crise qui vient de commencer, si on va au fond des choses.

Chapitre précédent : 4.2 - Une gestion cynique mais, hélas, habile

4.3

CRISE DU CAPITALISME, MAIS MORT DES PEUPLES ?

En somme, tout indique que l’oligarchie occidentale s’apprête à faire du niveau de vie de sa propre population la variable d’ajustement de la crise.

Quelques signaux complémentaires, pour bien cerner le phénomène, à travers une petite collection d’exemples...

Aux USA, le débat fait rage sur les droits d’émission de CO2. Le Congrès vient en effet de s’aviser (il n’y avait pas pensé avant ?) que les consommateurs auraient au final à supporter le coût des réductions d’émissions. On commence à comprendre, semble-t-il, dans l’Amérique profonde, que les beaux discours officiels à ce sujet ont pour véritable finalité de créer un marché « écologique » artificiel, permettant de relancer la machine productive sans avoir à redistribuer la richesse. Ou comment le capital va créer des besoins artificiels pour dégager de nouvelles sources de profit, en faisant payer au peuple le coût du « soin de la planète ».

Autre signal intéressant : l’indifférence à l’égard du long terme implique que l’on n’hésite plus à truquer les chiffres pour ne pas avoir à prendre les mesures nécessaires. La commission européenne s’apprête par exemple à imiter les USA, qui ont modifié les règles comptables d’évaluation des actifs pour améliorer les bilans des banques. Or, ceci implique qu’on prépare déjà de nouvelles « mauvaises surprises », et donc, vu les précédents établis, de nouveaux « plans de sauvetage » à la charge du contribuable - tout, plutôt que de constater la faillite du système : voilà la ligne de conduite de nos dirigeants.

Depuis le déclenchement de la dépression, on peut se rendre compte que les Français sont protégés par l’existence d’un service public fort. Or, la communication officielle en cours de déploiement, sous nos yeux, dans notre pays, indique qu’il va falloir solder le coût de la dépression... sur le service public ! Traduction : on va casser ce qui nous a sauvés, pour sauver ce qui nous a cassés. On prépare la gestion des hôpitaux dans une pure logique de profit. La drolatique affaire du changement de statut de La Poste a donné lieu à un sketch bouffon : le gouvernement a d’abord expliqué qu’il fallait ouvrir le capital aux marchés pour financer la modernisation, puis il a garanti que cette ouverture ne concernerait que des actionnaires publics (comprenne qui peut). En réalité, l’agenda de l’opération n’est, comme l’avoue d’ailleurs la dirction de l’entreprise publique, ni remis en cause, ni même modifié. Gageons que la faillite finale de notre Etat, ruiné par les conséquences de la Deuxième Grande Dépression, servira de prétexte à la privatisation pure et simple. La réforme de l’administration fiscale se poursuit également, préparatoire à l’affermage des impôts, comme sous l’Ancien Régime... etc. etc. Je reviendrai dans un prochain JDGD sur le désastre français en préparation, si vous n’êtes pas encore déprimé après ce billet, ça vous achèvera !

Encore un autre exemple : avant-garde de la faillite générale de la sphère occidentale, l’Irlande nous offre un intéressant avant-goût de la suite des évènements. Comme il n’y a, paraît-il, aucun autre moyen de contrebalancer le déficit budgétaire abyssal creusé dans ce petit pays par une finance pourrie que l’Etat doit sauver en catastrophe, les impôts augmentent, les allocations diminuent et les services publics sont sacrifiés. Beau programme, qui sera sûrement très populaire... Et il est à noter, au passage, que la BCE n’est pas venue au secours de l’Irlande (sous-entendu : « vous n’aviez qu’à mieux voter ! »).

Conclusion : il n’y a plus aucun doute. C’est une guerre de classes qui commence, à l’échelle de l’hémisphère occidental. Pour dire les choses en termes simples, « l’hyperclasse » a « décidé » de « se faire » les peuples, en leur faisant retomber dessus le poids de la dépression. J’emploie des guillemets parce que je ne sais pas exactement cerner les contours de « l’hyperclasse », parce que je n’arrive pas à savoir dans quelle mesure elle « décide » et dans quelle mesure elle subit le poids du système émergent constitué par la combinaison explosive de la dynamique du capitalisme et du cadre idéologique qu’elle a constitué pour justifier son pouvoir - et enfin, et surtout, parce qu’à ce stade, il est trop tôt pour dire précisément comment ces gens-là veulent « se faire » les peuples : écrasement économique et dislocation des solidarités, guerre extérieure pour justifier la mise au pas autoritaire de la société, stratégie du choc quelconque, on verra... Mais le contexte général est maintenant clair : le mondialisme néolibéral est entré en crise de manière très violente, mais cette crise n’implique pour nos dirigeants aucune remise en cause du système, aucune réforme visant à en contrebalancer les excès. Elle marque au contraire, à leurs yeux, le passage de l’ancien capitalisme, qui avait encore besoin des masses (pour produire et consommer) au nouveau capitalisme, qui prétend se construire comme un espace de développement autonome, isolé de l’humanité commune.

Voilà le projet de nos « élites » occidentales. Bien entendu, il peut échouer, mais c’est le projet. Ce n’est pas réjouissant, mais au moins le décor est planté...

Michel Drac pour E&R

C’était le dernier JDGD consacré à la situation générale, début 2009. Dans le prochain JDGD, nous ferons le point sur la situation européenne, en zoomant plus particulièrement sur l’Allemagne. Puis le JDGD suivant sera consacré spécifiquement à la France.