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Numérologie en bord de mer et tensions au Proche-Orient

Message crypté d’un ancien directeur du FBI

Dans les temps où les passions démocratiques s’exacerbent jusqu’à troubler la juste mesure du langage et de l’action, il arrive que les symboles les plus innocents soient investis d’une signification sinistre. Ainsi en est-il de cette image, récemment publiée par M. James Comey, ancien directeur du FBI, sur un lieu de promenade maritime, où des coquillages, rangés en une succession numérique – 8647 –, ont suscité l’émoi dans certains cercles républicains aux États-Unis.

On pourrait croire à un numéro de casier judiciaire ou à une combinaison de coffre-fort, mais non. Il fut allégué que cette suite chiffrée, loin d’être anodine, revêtait une portée occulte et menaçante. En effet, le nombre 86, dans le langage populaire de la restauration américaine, signifie retrancher ou expulser – et, par une dérive sémantique, jusqu’à tuer [1]. Cette expression, née dans les années de crise des années 1930, a glissé vers des contrées plus sombres, où la pègre s’en est emparée pour désigner, en termes codés, le meurtre, selon la sinistre formule « huit milles hors de la ville, six pieds sous terre » [2]. Le tombeau a ses dimensions, et les sociétés secrètes leur jargon.

Les deux derniers chiffres, 47, renvoient à Donald Trump lui-même, quarante-septième président des États- Unis. Ainsi, l’assemblage des coquillages sur ce sable froid et muet se fait le message codé d’un appel au meurtre, une invitation voilée à l’assassinat.

On comprend dès lors que M. Comey, pris en flagrant délit de symbolisme ambigu, ait rapidement retiré sa publication, en jurant sur l’honneur ne pas connaître les arcanes de la numérologie mafieuse : « J’ai publié plus tôt une photo de coquillages que j’ai vus aujourd’hui lors d’une promenade sur la plage, que je pensais être un message politique. Je ne savais pas que certaines personnes associaient ces chiffres à la violence », a écrit Comey sur Instagram [3]. Un ancien patron du FBI qui ne connaît pas le slang de Brooklyn ? C’est à croire que l’Agence fondée par Hoover recrute désormais à la bibliothèque rose.

En dépit de son explication, les fonctionnaires du gouvernement ont exprimé leur scepticisme. La secrétaire à la Sécurité intérieure, Mme Kristi Noem, annonça l’ouverture d’une enquête, en coordination avec les Services Secrets. Le directeur actuel du FBI, M. Kash Patel, déclara pour sa part être en communication avec les organes compétents afin d’offrir tout le concours nécessaire à la lumière [4].

Plus virulente encore fut la réaction de Mme Tulsi Gabbard, aujourd’hui à la tête de la Central Intelligence Agency, laquelle accusa M. Comey d’avoir lancé un appel voilé à l’assassinat du président des États-Unis. L’ancienne représentante, aujourd’hui devenue chef d’Agence, ne ménagea pas ses mots : elle déclara que l’ancien chef du FBI devait être emprisonné [5]. M. James Blair, conseiller à la Maison-Blanche, alla jusqu’à dépeindre la scène comme un appel déguisé à l’action terroriste, en pleine tournée diplomatique présidentielle au Moyen- Orient [6].

Quant à M. Donald Trump lui-même, président en exercice et principal objet de cette agitation, il ne tarda point à réagir avec ce mélange de brutalité et de vérité nue qui le rend insupportable à l’élite et proche du peuple. Dans un entretien télévisé, il qualifia M. Comey de « policier véreux », affirmant que nul n’ignorait le sens du chiffre évoqué : « Il savait exactement ce que cela signifiait. Un enfant sait ce que cela signifie... Cela signifiait "assassinat". » [7]

Et comment ne pas prendre la menace au sérieux, dans une époque où le sang présidentiel a déjà coulé ? Souvenons-nous que cette petite mise en scène balnéaire survient quelques mois à peine après que Trump a échappé, non pas à une, mais à deux tentatives d’assassinat. En Pennsylvanie, un jeune illuminé tente de l’abattre, la balle lacérant par miracle l’oreille du candidat républicain. Quelques semaines plus tard, à Palm Beach, un sexagénaire armé de patience et de feuillage essaie de rejouer Platoon. Ces faits, si récents encore, ne peuvent manquer d’augmenter la gravité perçue du message photographique.

Il est notoire, d’ailleurs, que M. Comey et M. Trump nourrissent l’un envers l’autre une inimitié publique et constante. Ce fut en 2017 que le président destitua son directeur du FBI, alors que celui-ci conduisait une enquête épineuse sur les possibles ingérences étrangères dans le processus électoral. Depuis lors, les deux hommes ne cessèrent de s’observer avec une hostilité à peine voilée.

Aujourd’hui retiré des affaires de l’État, M. Comey se consacre à la littérature policière, ce qui lui permet au moins d’assassiner en toute légalité, à coups de chapitres. Son dernier ouvrage, intitulé FDR Drive, paraît en librairie. Il est singulier qu’un homme ayant vécu si près du cœur palpitant de la République, choisisse désormais de s’exprimer par l’allégorie du crime et de l’énigme.

S’il veut des conseils, qu’il s’adresse à ceux qui ont une longue expérience en matière d’opérations discrètes, d’assassinats présidentiels et de coups d’État maquillés. D’ailleurs, cela tombe bien, car le dernier État à être parvenu à assassiner un président américain en exercice se montre de plus en plus agacé par la politique extérieure de Donald Trump.

Montée des tensions au Moyen Orient

Depuis son retour au pouvoir, M. Donald Trump s’emploie, non sans contradictions, à redéfinir la politique américaine au Proche-Orient. Si les livraisons d’armes à l’État hébreu se poursuivent comme par inertie, c’est désormais l’intérêt bien compris de Washington – et non celui de Tel-Aviv – qui guide la main du président américain. Ce retournement de priorité, dont les conséquences restent incertaines, a mis en fureur le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, plus que jamais en sursis, contesté à l’intérieur, isolé à l’extérieur, et n’entretenant son pouvoir que par la continuation de la guerre [8].

En janvier 2025, une trêve inédite fut conclue entre Israël et le Hamas. Ce cessez-le-feu – fruit improbable d’une médiation conjointe des équipes de Trump et de son prédécesseur Biden – fit sensation, tant il rompait avec l’impasse diplomatique entretenue depuis des décennies. Fait plus étonnant encore : les États-Unis, cédant aux circonstances, acceptèrent pour la première fois de parler directement avec le Hamas, sous les bons offices du Qatar.

Dans ce ballet délicat, un homme fit figure de pivot : Steve Witkoff, envoyé spécial de M. Trump, sans formation diplomatique, mais fort d’un mandat clair. À Doha, les négociations s’organisèrent selon un rituel oriental : délégations dans le même bâtiment, médiateurs égyptiens et qataris pour transmettre les messages, soupçons, et objections. La pression exercée par les Américains, et notamment par Witkoff, força Netanyahou à dépêcher une délégation de haut rang avec pour mission expresse d’aboutir [9].

L’accord obtenu prévoyait la libération de trente-trois otages contre un millier de prisonniers palestiniens, ainsi qu’un retrait graduel de Gaza. Mais, comme il est de règle dans cette région du monde, les engagements furent aussitôt contournés. Le gouvernement israélien multiplia les conditions nouvelles et les atermoiements, au point d’irriter les médiateurs eux-mêmes, las de l’inconstance israélienne [10].

En dépit de la reprise des hostilités, les États-Unis, fidèles à leur nouvelle ligne, maintinrent le dialogue avec les dirigeants du Hamas. La libération d’Edan Alexander en mai 2025, citoyen américain et israélien, symbolisa cette politique d’engagement direct, laquelle indisposa fortement M. Netanyahou, contrarié de se voir ainsi relégué à la périphérie de tractations jadis dirigées par son seul État.

Mais le cœur des préoccupations israéliennes ne réside plus uniquement à Gaza. Il bat désormais au rythme des rapports entre Washington et Téhéran. L’ayatollah Khamenei, figure à la fois religieuse et politique, a adressé aux Américains des propos d’une fermeté peu commune, affirmant qu’aucune injonction étrangère ne saurait contraindre l’Iran à suspendre son programme nucléaire, qu’il affirme pacifique [11]. Ce langage de défi n’a rencontré, de la part de M. Trump, aucune réplique de la même envergure – signe manifeste d’un désir de conciliation plus fort que celui de confrontation [12].

C’est ce silence, plus que tout, qui alarma Israël. Il y vit le signe que l’Amérique s’apprête à solder ses conflits lointains : en Ukraine, comme en Perse. Or cette perspective heurte frontalement la stratégie de Benyamin Netanyahou, qui, pour se maintenir, a besoin d’un ennemi à terrasser – et d’un allié puissant pour l’y aider. Dans cette optique, un affrontement avec l’Iran, qu’il soit direct ou par provocations interposées, devient inévitable.

L’histoire récente offre une leçon : lorsque l’État hébreu estime que ses intérêts vitaux sont en jeu, il frappe le premier – ambassades, centrales nucléaires, ou scientifiques assassinés. Si pareille entreprise devait être renouvelée, M. Trump se retrouverait dans une posture délicate, contraint de choisir entre son allié turbulent et une paix fragile avec un vieil ennemi.

Des fuites savamment orchestrées dans la presse américaine laissent entendre qu’Israël se tiendrait prêt à attaquer les installations nucléaires iraniennes, comme pour mettre en garde son allié. Une telle action serait en effet perçue non seulement comme une insubordination stratégique, mais aussi comme une tentative de sabotage d’un dialogue naissant. Elle risquerait, comme souvent en Orient, d’embraser la plaine entière.

Netanyahou, pour sa part, n’a guère de latitude : sa survie politique est suspendue à la guerre. À ce titre, il semble peu enclin à la retenue. Il est donc permis de penser qu’Israël attaquera. L’Iran, de son côté, répondra – selon sa tradition, avec mesure mais fermeté.

Dans ce scénario, les États-Unis tenteront d’éviter l’engrenage. Ils proposeront à l’Iran un marché : ne pas riposter ouvertement en échange d’un allègement des sanctions et, peut-être, de compensations. L’objectif sera simple : éviter l’irréparable, tout en rassurant un Israël qu’ils ne peuvent ni lâcher, ni suivre aveuglément.

Si toutefois Téhéran riposte – et il est probable qu’il le fasse – alors commencera pour Washington un exercice périlleux de diplomatie d’équilibriste : protéger Israël sans affronter l’Iran. L’administration Biden s’y était déjà essayée ; Trump y est désormais contraint.

Le dilemme américain est donc le suivant : contenir un allié devenu imprévisible, tout en dialoguant avec un adversaire prêt à se défendre. Car, au fond, l’ennemi n’est plus celui que l’on croit, et l’ami n’est plus celui que l’on suit sans réserve.

Conclusion

La dernière fois qu’un président des États-Unis osa se dresser, non pas contre une puissance ennemie, mais contre une tutelle plus insidieuse, plus enracinée – celle d’Israël –, une balle bien ajustée vint lui ouvrir le crâne à Dallas, projetant ses pensées, encore pleines de rêves de paix, sur le cuir rouge d’une Lincoln décapotable. Ce fut, dit-on, l’œuvre d’un déséquilibré ; les démocraties ont ce génie de faire passer leurs assassinats pour des faits divers. L’homme qui périt ce jour-là n’était pas seulement un président : c’était le dernier Américain à avoir voulu la réconciliation des empires, la fin de la guerre froide, la paix avec Moscou (comme Donald Trump aujourd’hui).

Nous ignorons si, en ce mois funeste de novembre 1963, J. Edgar Hoover – directeur du FBI de l’époque – s’était amusé, lors d’une promenade méditative, à tracer sur le sable humide quelque code ésotérique à l’aide de coquillages jetés par la mer : 8635. Ce que nous savons, en revanche, c’est que les conséquences de ce crime – cette exécution filmée en pleine lumière – a laissé une empreinte indélébile sur le cours du siècle. Les peuples, eux, n’ont rien oublié : les images tournent encore, à l’infini, dans les sanctuaires invisibles de l’inconscient collectif. Cette balle fit plus que briser une vie : elle ébranla durablement la conscience politique de son peuple et scella, dans une mare de sang, l’échec momentané d’un dessein pacificateur.

Cet homme avait eu l’audace de s’opposer à la prolifération nucléaire au Proche-Orient, et plus spécifiquement à refuser à Tel-Aviv l’arme absolue, cette clé de l’impunité. Il avait compris – trop tôt, sans doute – que le feu atomique entre des mains messianiques serait le prélude à un déséquilibre irrémédiable du monde. Dans un monde divisé par la guerre froide, il entrevoyait déjà la nécessité d’un nouvel équilibre, non fondé sur la menace perpétuelle, mais sur la coexistence lucide des puissances. Ce projet, sans doute trop ambitieux pour son temps, fut interrompu net – non par la sanction du suffrage, mais par celle d’un coup de feu.

Aujourd’hui, tandis qu’un autre président semble vouloir raviver le flambeau d’un rééquilibrage au Moyen-Orient, la mémoire de ce drame revient hanter les esprits. Il ne s’agit plus, il est vrai, d’empêcher qu’Israël acquière la puissance nucléaire : c’est un fait accompli, sanctifié par l’histoire, gravé dans les silos du Néguev. Non, son ambition – si elle n’est pas feinte – serait plus subtile encore : il s’agit de savoir si un autre acteur régional, honni de l’Occident, pourra lui aussi accéder aux moyens de dissuasion suprême, ou à tout le moins, demeurer en mesure de s’en approcher. Non pas pour qu’il frappe, mais pour qu’il ne soit plus frappé sans conséquence.

Or, chacun sait que cette idée même est une hérésie. Permettre à un rival de Tel-Aviv de tenir tête, fût-ce en théorie, revient à briser le monopole moral et stratégique dont Israël jouit depuis un demi-siècle. C’est redessiner le Moyen-Orient sans demander la permission aux scribes du Congrès ni aux veilleurs d’AIPAC. C’est vouloir que la paix se fasse ailleurs qu’au bout du fusil sioniste. Et cela, on ne le tolère pas.

Alors posons la question que l’on ne pose pas dans les cercles prudents : l’histoire bégaiera-t-elle encore ? L’homme à la mèche blonde, à l’ego hypertrophié mais aux instincts de realpoliticien, sera-t-il lui aussi renvoyé au silence, non par les urnes, mais par ce qu’on appelle avec une pudeur glaçante un « tireur isolé » ? On voudrait croire que non. Mais l’Histoire, elle, n’oublie jamais ses réflexes. Ceux qui menacent un empire invisible finissent toujours par rencontrer des projectiles bien réels. Car lorsque l’équilibre des puissances menace d’être ébranlé, il se trouve toujours des forces prêtes à défendre l’ordre établi avec une vigueur que l’on pourrait croire venue d’un autre âge.

Que Donald Trump, dans cette entreprise, parvienne à ses fins sans subir le sort tragique de celui qui l’a précédé dans l’audace, dépendra moins de sa force que de sa prudence, moins de sa volonté que du degré de maturité politique auquel est parvenue la nation qu’il gouverne.

Fernand le Béréen

 

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