Egalité et Réconciliation
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Henry 103ème ou le reflet des élites françaises

On joue la 103ème minute d’un match que l’Irlande mène 1-0, lors d’un duel qu’elle domine de la tête et des épaules face à une équipe de France à l’agonie.

La suite, tout le monde la connaît. En position de hors-jeu, Squillaci tente une déviation de la tête sur un coup franc tiré par Malouda, Henry contrôle de la main gauche avant d’offrir l’égalisation à Gallas qui, lui aussi, était initialement hors-jeu. L’équipe de France exulte de bonheur, son public en fait de même tandis que Shay Given et ses camarades prennent d’assaut l’arbitre de cette rencontre ô combien décisive. En vain. Moins de vingt minutes plus tard, la France se qualifiera pour la phase finale de la coupe du monde, laissant l’Eire en pleine amertume. Un air malsain entoura ensuite l’évènement. Car au coup de sifflet final, Thierry Henry et William Gallas exultèrent autant que leurs partenaires, Nicolas Sarkozy s’extasia devant les caméras de TF1 tandis que Rama Yadé prétendit ne pas avoir vu la main avant de la juger involontaire… on croit rêver ou plutôt cauchemarder.

Pire encore, interrogé à tête reposée, Gallas nous fit croire qu’il n’avait pas vu la main de son coéquipier. Puis Thierry Henry déclara : « Oui, il y a main. Les Irlandais méritaient aussi de se qualifier. Sur le coup franc, le ballon rebondit et me tape la main. Je ne sais pas non plus s’il y avait un penalty sur Nico Anelka. » Nous, nous savons. Nous savons qu’il n’y avait rien du tout sur Anelka et que l’injustice est flagrante. Elle ne l’est pourtant pas pour Raymond Domenech qui s’avouait « heureux » et retenait « la qualification et l’émotion » le lendemain du match. Pendant ce temps-là, les valeureux Verts enrageaient alors que leur fédération demandait à la FIFA -sans trop y croire- que le match se rejoue.

Henry et Gallas avaient trois solutions ce soir-là. La première : reconnaître la faute de main auprès de l’arbitre et faire invalider le but. Dans un tel contexte et avec de tels enjeux sportifs et économiques, on comprend aisément qu’ils n’aient pas eu ce réflexe pourtant salutaire. La deuxième : faire profil bas suite au but marqué. C’eut été assez logique sur l’instant mais ce ne fut pas du tout le cas. Et la troisième : parader, fanfaronner comme ils l’ont fait en faisant abstraction de la main. Personne n’a eu honte de cette imméritée qualification donc. Car une sorte d’amnésie collégiale s’empara du camp tricolore après la rencontre. Certains gauchistes accablaient même Nicolas Sarkozy mercredi soir. Il y avait inconsciemment comme un fond de vérité. Mais pas tout à fait. Cette main qualificative de Thierry Henry n’est pas seulement honteuse. Elle est intéressante et révélatrice à plus d’un titre. Pourquoi ? Parce qu’elle nous indique pourquoi le peuple français a un président comme Nicolas Sarkozy et non un Hugo Chavez. A la place d’Henry et Gallas, une majorité de gens auraient agi ainsi. Et c’est bien ça le pire, lorsqu’un étriqué et mesquin chauvinisme prend autant le pas sur la notion de justice. Sur les valeurs. Et on ne doit jamais transiger avec les valeurs. Pauvre France, pauvre peuple de France, pauvres supporters crétinisés à la bière, pauvres Thierry Henry, William Gallas, Raymond Domenech, Rama Yadé… Désolé pour Hugo Lloris et Nicolas Anelka (les deux seuls tricolores à surnager mercredi soir) mais leurs prestations paraissent anecdotiques dans cet océan de malhonnêteté. La lueur de justice dans cette histoire, c’est que cette main restera à jamais gravée dans les têtes lorsqu’on évoquera la carrière de Thierry Henry. C’est d’ailleurs ce qui nous viendra à l’esprit en premier, telle une trace indélébile. Un peu comme pour les exploits techniques de Platini en 84 ou ceux de Zidane en 98. La prouesse sportive, la victoire sont certes louables, mais elles ne doivent pas être les seules. Vive Ginola et Cantona, honorables vaincus sacrifiés du France-Bulgarie de 93. Et honte aux Bleuâtres de Raymond Domenech, entraîneur indigne et suffisant dont chacun sait qu’il a le niveau pour entraîner… Roquefort-la-Bédoule.

La raison de cette légitime indignation ne vient pas de la forme mais bien du fond. Elle est précisément d’ordre métaphysique. Le peuple français a les élites qu’il mérite. Des politiciens et journalistes corrompus, menteurs et manipulateurs, des artistes soumis à l’idéologie dominante, des sportifs de haut niveau dopés et surfaits… Vous ne saisissez peut-être pas bien mon propos. Alors je m’explique un peu mieux : Thierry Henry est comme William Gallas qui est comme Raymond Domenech qui est comme Rama Yadé qui est comme Nicolas Sarkozy. Ce sont intrinsèquement tous les mêmes et c’est ce qui importe. Vous savez, c’est comme lorsqu’un petit voyou vole dans le sac d’une personne âgée et que, n’ayant pas été pris dans son délit, il est content de son méfait. Maudit « pas vu, pas pris » où l’escroc devient le héros et où la morale est régulièrement déchue. Ces gens-là fonctionnent de la même manière, à des degrés de malhonnêteté différents certes, mais leur ligne de conduite est fondamentalement la même. La fin justifie les moyens et personne ne croit en rien, si ce n’est au pognon, à la gloire, au cul… Ces minables n’ont aucun Dieu. Ce qui les guide n’est que perversion et illusion d’un monde bling bling. C’est la raison pour laquelle Thierry Henry ne vaut pas mieux que nos dirigeants véreux. Comme eux, ce n’est ni un génie, ni un con, c’est une juste racaille.

Johan Livernette