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Affaiblie, la Corée du Nord se tourne vers la Chine

La visite en Chine du numéro un nord-coréen Kim Jong-il, arrivé lundi 3 mai à Dalian, est symptomatique du rapprochement de la Chine et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Faisant suite à celle du président chinois Hu Jintao à Pyongyang en février, cette visite a en toile de fond un regain de tension dans la péninsule coréenne à la suite du naufrage d’une corvette du Sud, qui suscite à Séoul des spéculations sur l’implication du Nord.

La RPDC a un impérieux besoin du soutien de la Chine : son économie vacille et sa population souffre d’une grave pénurie alimentaire, selon des ONG sud-coréennes.

Mais il n’y a pas que les Coréens du Nord qui sont demandeurs : les dirigeants chinois souhaitent aussi renforcer les liens avec Pyongyang. "La Chine accroît sa présence économique et son poids politique en RPDC afin de prévenir toute instabilité lorsque s’ouvrira l’ère post-Kim Jong-il", estime Choi Choon-heum, de l’Institut pour l’unification nationale à Séoul.

La visite en Chine du dirigeant nord-coréen semble indiquer que Pékin, qui fait preuve d’une grande prudence - comme Washington - dans l’affaire du naufrage de la corvette sud-coréenne (dont la cause reste inexpliquée), n’épouse guère la thèse d’une attaque par le Nord, suscitant une certaine irritation à Séoul.

Elle donne aussi à penser que la RPDC serait disposée à une reprise des pourparlers à six (Corées, Chine, Etats-Unis, Japon et Russie) sur sa dénucléarisation, suspendus par Pyongyang en mai 2009 pour protester contre les sanctions des Nations unies adoptées après son second essai nucléaire. Une reprise des négociations souhaitée par Pékin qui pourrait être la contrepartie de son assistance.

L’influence de la Chine sur la RPDC est une question récurrente. Lorsque les Etats-Unis et leurs alliés lui demandent de faire pression sur la RPDC, Pékin répond ne pas avoir un grand ascendant sur Pyongyang. Ce qui est une demi-vérité. Mais là n’est pas le fond du problème. Seule alliée de la RPDC, dont elle est le premier partenaire commercial et bailleur d’aide, la Chine peut certes exercer des pressions sur Pyongyang mais ses priorités ne sont pas celles de l’Amérique et de ses alliés : "Il y a là un malentendu de fond : la Chine a pour priorité stratégique la stabilité de la RPDC ; la question nucléaire, qui obnubile l’Occident, vient en seconde position", selon M. Choi.

Sans doute y a-t-il en Chine deux écoles de pensée sur la politique à l’égard de la RPDC : les "traditionalistes", pour lesquels celle-ci reste un pays frère, et les "internationalistes", qui la considèrent comme un fardeau pour Pékin et préconisent un changement de régime. "C’est un débat académique qui n’influence guère les choix stratégiques du Parti communiste", nuance M. Choi.

Pour la Chine, les ambitions nucléaires nord-coréennes sont gênantes : elles ont provoqué une crise internationale et peuvent devenir un facteur de déstabilisation de la région en ouvrant une course aux armements. Depuis 2003, Pékin joue un rôle de médiateur dans les pourparlers à six et a voté, en 2009, les sanctions des Nations unies. Mais leur application est problématique.

Pour les dirigeants chinois, la stabilité de la RPDC est primordiale : ils ont déjà des problèmes à l’ouest (Tibet et Xinjiang) et ils n’entendent pas en avoir d’autres au nord-est. Or toute déstabilisation de la RPDC - avec laquelle la Chine partage une frontière de 1 400 km - aurait de graves répercussions : afflux de réfugiés et troubles éventuels avec la minorité coréenne de la région frontalière (provinces de Liaoning et Jilin), dont Pékin entend faire, avec le Heilongjiang, un nouveau pôle de croissance.

Les sanctions internationales, conjuguées à la politique de fermeté de Séoul à l’égard de Pyongyang, ont aggravé la déroute économique de la RPDC et l’ont "jetée davantage dans les bras de Pékin", poursuit M. Choi. "Jusqu’à la fin 2009, Pyongyang a pu espérer que sa politique d’apaisement relancerait la coopération avec le Sud. Aujourd’hui, elle ne se fait plus d’illusion", affirme Cheong Seong-chang, de l’Institut Sejong à Séoul.

Afin de pallier une détérioration de la situation en RPDC, la Chine cherche à intégrer celle-ci au développement de ses trois provinces du nord-est. Elle compte faire de la ville de Dandong, par laquelle transite la majorité des échanges avec la RPDC, un "second Shenzhen" (zone d’économie spéciale du Guangdong) et investir 800 millions de dollars dans la création de zones industrielles sur deux îles quasi désertes du fleuve Yalu (qui sépare les deux pays). La Chine a en outre obtenu de Pyongyang un droit d’usage de dix ans du port de Rajin, qui lui ouvre la mer du Japon.

Bien que la RPDC soit riche en métaux rares - sur lesquels la Chine fait peu à peu main basse -, les investissements comportent des risques. Mais "la coopération sino-nord-coréenne est guidée par des considérations politiques plus que par des intérêts économiques", estime Park Byung-kwang, de l’Institut de sécurité stratégique à Séoul.