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Algérie : ces « faux moudjahidine » qui veulent criminaliser la France

Face au raz-de-marée populaire, le « Système » algérien attaque la France pour tenter de faire diversion. Le 15 juillet 2019, Mohand Ouamar Bennelhadj, secrétaire général par intérim de l’ONM (Organisation nationale des moudjahidines, les anciens combattants), a ainsi appelé les députés algériens à voter une loi criminalisant la colonisation française. En réponse à cette déclaration de guerre, j’ai, le 18 et le 21 juillet, posté deux communiqués sur mon blog. Mohand Ouamar Bennelhadj a réagi dans une vidéo postée le 24 juillet.

 

Qu’est donc l’ONM, organisation faux-nez du « Système » algérien pour le compte duquel elle met en cause la France avec une violence encore jamais atteinte dans l’histoire des « complexes » relations franco-algériennes ?

 

Une organisation sangsue

Selon l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi, en Algérie :

« (…) tout le monde sait que 90 % des anciens combattants, les moudjahidine, sont des faux » (El Watan, 12 décembre 2015)

Et pourtant, le ministère des Moudjahidine, façade institutionnelle de l’ONM, bénéficie du troisième budget de l’État. En 2017, avec 245 milliards de dinars (mds/dz) – en fonction du taux de change environ 2 milliards d’euros –, le budget du ministère des Moudjahidine se situait juste derrière ceux de l’Éducation et de la Défense. À titre de comparaison le budget du Ministère l’Agriculture était de 212 mds/dz, celui du Travail ,de l’Emploi et de la Sécurité sociale de 151, celui des Finances de 87, celui de la Justice de 72, celui de la Solidarité nationale de 70, celui de l’Énergie de 44, celui de la Formation professionnelle de 48, celui de la Jeunesse et sports de 34, celui de la Communication de 18, celui de la Culture de 16, celui de l’Industrie et des Mines de 4 et celui de l’Aménagement du territoire de 3.

L’importance de ce budget s’explique en partie par les pensions versées à plus de deux millions d’ayants droit car, paradoxe algérien, au lieu de diminuer selon la loi naturelle voulant que plus on avance dans le temps, moins il y a de gens qui ont connu Napoléon…, en Algérie, tout au contraire, plus les années passent, et plus le nombre des « anciens combattants » augmente…

Résultat :

- Fin 1962-début 1963, l’Algérie comptait 6000 moudjahidine identifiés, 70 000 en 1972 et 200 000 en 2017…
- Selon les propres chiffres de l’ONM, en 1972, 220 000 Algériens recevaient une pension, soit 70 000 titulaires de la carte de moudjahidine et 150 000 veuves de « maquisards ».
- À la fin de la décennie 1980, ce chiffre avait doublé puisque, toutes catégories d’ayants droit confondues, il était passé à 500 000.
- En 2010, par un phénomène de génération spontanée, les moudjahidine et leurs ayants droit étaient 1,5 million. Ceci s’explique car, en Algérie, plus d’un demi-siècle après l’indépendance, l’on demande encore la carte d’ancien moudjahidine… certains qui n’avaient pas 10 ans en 1962 l’ont même obtenue…

Pour être reconnu moudjahidine, nul besoin de lourdes formalités. Il suffit à l’impétrant que deux témoins attestent de ses « hauts faits guerriers » pour qu’il reçoive l’Attestation communale d’ancien combattant. Ce document lui permet ensuite de faire valider cette précieuse qualité par la généreuse commission de reconnaissance. « Généreuse » en effet comme l’a montré l’emblématique « affaire Mellouk », du nom du juge Benyoucef Mellouk qui a dénoncé 312 de ses confrères ayant reconnu contre rétribution la qualité de moudjahidine à un nombre considérable de faux demandeurs. Pourchassé par les associations, exclu de la magistrature, Benyoucef Mellouk fut condamné à la prison car il avait osé toucher au cœur même du « Système » algérien et de sa clientèle.

 

Une association de prébendiers

Pourquoi cette recherche effrénée du statut d’ancien moudjahidine ? Tout simplement parce que les titulaires de la précieuse carte ainsi que leurs ayants droit touchent une rente de l’État, bénéficient de prérogatives, jouissent de prébendes et disposent de passe-droits. Cette carte qui joue le rôle d’amortisseur social permet également d’obtenir une licence de taxi ou de débit de boisson, des facilités d’importation, notamment de voitures hors taxes, des réductions du prix des billets d’avion, des facilités de crédit, des emplois réservés, des possibilités de départ à la retraite, des avancements plus rapides, des priorités au logement etc.

Achetés par le « Système » qui les tient, d’autant plus quand il s’agit d’imposteurs, les titulaires de la carte constituent son ossature populaire. Leur poids politique qui est considérable s’exerce à travers le maillage du pays par plusieurs associations nationales. Ainsi, l’ONEC (Organisation nationale des enfants de chouhada (martyrs), le CNEC (Coordination nationale des enfants de chouhada) ou encore l’ONEM (Organisation nationale des enfants de moudjahidine). Cette dernière qui compte 1,5 million d’adhérents a des antennes dans toute l’Algérie et même en France. Le nombre de ses membres s’explique car, dans un entretien en date du 27 octobre 2004 donné à Libération, M’barak Khalfa, alors dirigeant de l’ONEM, a pu déclarer sans la moindre pudeur que, comme :

« (…) il y a eu au moins un million (! !!) de moudjahidine, cela fait six ou sept millions d’enfants et donc de membres potentiels. Au rythme actuel, on va finir par dépasser les effectifs de l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens) ».

 

Une association vivant sur le mensonge

Les vrais maquisards, ceux de l’intérieur, ceux qui ont effectivement lutté contre l’armée française, sont indignés par ces pratiques. Non contents de s’être fait voler l’indépendance par les planqués de l’ALN, l’armée des frontières durant l’été 1962 (voir à ce sujet le chapitre VII de mon livre Algérie, l’histoire à l’endroit), voilà qu’ils doivent supporter d’être assimilés aux imposteurs prébendiers porteurs, tout comme eux, de la carte de moudjahidine.

Voilà pourquoi, en 2003, plusieurs authentiques anciens combattants issus de toute l’Algérie ont adressé un mémorandum à la présidence de la République afin que soit diligentée une enquête concernant le scandale des faux moudjahidine. Selon eux, l’ONM, cette association qui, rappelons-le demande le vote d’une loi criminalisant la France, comptait à l’époque 80 % de faux maquisards… dont le ministre des moudjahidine en personne… (Liberté-Algérie 28/10/2003). Selon le colonel Ahmed Bencherif, ancien patron de la gendarmerie nationale et président de l’Association de lutte contre les faux Moudjahidine, 750 millions de dinars, sont versés chaque mois à de faux moudjahidine. Selon le quotidien El Watan en date du 10 février 2007, sur une population de 70 000 personnes, la seule ville d’Aïn Defla (ancienne Duperré) compterait 14 000 faux moudjahidine, dont 1 300 femmes… Quant à Koléa, dans la Mitidja, deux tiers de ses moudjahidine seraient des imposteurs (Libération, 27 octobre 2004).

Toujours selon le colonel Ahmed Bencherif, cette inflation de faux maquisards s’explique parce que, nommés par le « Système », les responsables de l’ONM appliquent sa politique consistant à développer une clientèle d’obligés lui permettant de faire croire qu’il bénéficie d’un soutien populaire. Cela est d’autant plus facile que, comme l’a déclaré Abid Mustapha, ancien colonel de la Wilaya V, au sein des instances dirigeantes de l’ONM :

« Nous (les vrais combattants), sommes devenus une minorité ! Ceux qui occupent les responsabilités au sein du conseil national de l’ONM sont des faux ».

En 2008, Nouredine Aït Hamouda, député du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), a provoqué un tumulte quand, dans l’hémicycle, il a osé dénoncer le scandale des faux moudjahidine. Et il avait la légitimité pour le faire puisqu’il est le fils du colonel Amirouche Aït Hamouda, chef emblématique du maquis kabyle de la willaya III tué au combat le 29 mars 1959 [1]. Plus encore, il a pulvérisé le mythe du 1,5 million morts causés par la guerre d’indépendance, chiffre totalement fantaisiste mais qui permet au « Système » de justifier le nombre surréaliste des ayants droit, notamment celui des veuves et des orphelins. Or, selon Nouredine Aït Hamouda, sur les 2 millions de porteurs de la carte de moudjahidine et d’ayants droit, les trois quarts sont des faux…

Pour le « Système » algérien, la dénonciation de l’ONM et des faux moudjahidine représente un danger mortel puisque sa « légitimité » repose sur sa propre version de la guerre d’indépendance. Or, l’ONM est le principal vecteur de cette histoire reconstruite. Quant à ses dociles responsables nommés, ils ont pour mission de cautionner, de populariser et d’ancrer le mensonge sur lequel s’engraissent les profiteurs et les corrompus qui dirigent l’Algérie.

Bernard Lugan

 

Notes

[1] Si l’on en croit ce qu’écrit Saïd Sadi (Amirouche, une vie, deux morts, un testament, Paris, 2010), Amirouche aurait été donné aux Français par ses rivaux arabes du MALG (Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales, le service de renseignement de l’ALN), or, ceux qui l’auraient « balancé » et leurs héritiers constituent le cœur du « Système » algérien…

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