Egalité et Réconciliation
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Mensonges et vérités dans la guerre médiatique contre Cuba

Le traitement médiatique récent de la mort d’Orlando Zapata et de la manifestation des Dames en blanc, à Cuba, pose un vrai cas d’école : les imputations des médias dominants sont délibérément fausses. Il ne s’agit pas d’un mensonge véhiculé par un média particulier, mais d’une campagne massive à laquelle presque tous participent. Or aucune grande holding de presse ne trouve d’intérêt direct dans cette manipulation. Il s’agit uniquement d’un système politique qui se protège en dénigrant un modèle qui le conteste.

La guerre médiatique qui sévit actuellement contre Cuba — et qui semble destinée à un nouvel épisode — est basée sur quatre mensonges fondamentaux : a) Les prisonniers cubains faisant l’objet d’une controverse ont été emprisonnés en raison de leurs convictions politiques [1] ; b) Le prisonnier Orlando Zapata Tamayo, récemment décédé des suites d’une grève de la faim qu’il avait entreprise de son propre chef, était emprisonné pour des raisons politiques [2] ; c) Tamayo est décédé en raison de négligence ou peut-être même de gestes délibérés de la part des autorités médicales et politiques de Cuba ; d) Les Damas de Blanco (Dames en blanc) ont été harcelées physiquement par des citoyens, puis brutalement détenus par les autorités cubaines pendant leur manifestation du 18 mars à la Havane [3]. La majorité des médias de masse à la solde de l’oligarchie aux États-Unis, au Québec, au Canada et en Europe et au sein de l’Union européenne s’arrogent le droit de mentir sur Cuba ou sur d’autres pays qui, selon des critères déterminés par les normes de l’hémisphère nord, ne représentent pas des États « convenables » sur le plan politique. Mais pire encore, c’est que les médias issus du monopole ne croient même pas devoir répondre à cette accusation des plus graves.

Voici la transcription partielle d’une entrevue diffusée le 8 mars 2010 sur la chaîne HBO entre Bill Maher et Sean Penn, acteur et producteur hollywoodien (voir vidéo ci-dessous). Cette partie de la transcription aborde le thème des mensonges propagés par les médias. On parle ici d’Hugo Chávez, mais le procédé est le même pour toutes les victimes de campagnes diffamatoires.

— MAHER : Son image médiatique [celle de Chávez] est celle d’un bouffon. Or, toi, tu es déjà allé au Venezuela. Tu le connais, tu lui as parlé. Pour ma part, tout ce que je connais d’Hugo Chávez, c’est ce que j’en lis dans les médias. Un dictateur qui s’est emparé de plusieurs branches du gouvernement et qui voudrait être président à vie. Qu’est-ce que tu connais de lui que je ne connais pas, et qui pourrait attendrir mes sentiments face à cet homme ? — PENN : Je crois que si vous préférez que 20 % d’une population puisse réaliser ses rêves, avoir une identité et être entendue, si cela vous convient que seuls 20 % y aient accès plutôt que les 80 % à qui Hugo Chávez en a offert la possibilité, alors vous pouvez le critiquer. Vous savez, il y a beaucoup de questions complexes qui dépendent strictement de notre point de vue. Ici, aux États-Unis, nous avons beaucoup de difficulté à concevoir ce qu’a pu être l’histoire du Venezuela, de l’Amérique latine et de bien d’autres endroits. Nous sommes très mono-culturels. De plus, nous sommes aveuglés par les médias. Par exemple, dans le cas d’Hugo Chávez. Selon vous, qui, aux États-Unis, pourrait se targuer d’avoir été élu démocratiquement à la suite de quatorze des élections les plus transparentes au monde, comme l’a été Hugo Chávez ? […] Le projet de collaboration en Haïti [avec Cuba et le Venezuela], lorsque l’on parle d’Hugo Chávez et d’autres personnalités que l’on représente comme des démons […] Parce que tous les jours, ce leader élu se fait appeler « dictateur » ici, et l’on acquiesce comme si de rien n’était ! Et l’on continue d’acquiescer. […] — MAHER : Je dois me déplacer – vers le panel. — PENN : Désolé. — MAHER : Non, car nous allons vous réinviter un jour, que Chávez soit ou non un dictateur.

À l’écoute de cette émission, j’ai pu constater sans peine que Maher était profondément troublé par le commentaire de Penn. Une image vaut parfois mille mots. Ici, ceux-ci en disaient aussi long que les images. Maher a changé le sujet, prétextant qu’il devait passer la parole à un membre du panel. Or, ce n’était pas vrai. Il a simplement contourné le commentaire de Penn tout en échangeant quelques blagues avec lui. Il a affirmé qu’il allait le réinviter à son émission, « que Chávez soit ou non un dictateur ». Néanmoins, ce n’est pas de cela que Penn parlait. En effet, celui-ci a plutôt rejeté les accusations portées contre Chávez en se contentant d’établir les faits selon le critère employé par la frange dirigeante états-unienne elle-même, c’est-à-dire la victoire électorale. La question était et demeure donc la suivante : comment se fait-il que les médias issus du monopole puissent mentir impunément ? Comment peuvent-ils répéter des faussetés et s’en tirer à bon compte, tandis qu’aucune mesure n’est mise en place contre ceux qui pratiquent ce qu’on appelle le journalisme jaune ?

À la lumière de ce droit au mensonge autoproclamé, regardons de plus près les quatre points soulevés plus haut.

D’abord, les prisonniers en question n’ont pas subi leur procès ni été condamnés parce que leurs convictions politiques s’opposent à celles prônées par le système cubain. Cuba, comme la plupart des pays de l’hémisphère Nord, dispose de lois qui interdisent aux individus de collaborer avec une puissance étrangère au détriment de leur propre peuple. Considérons le cas des États-Unis à travers l’exemple suivant : le Bureau de contrôle des capitaux étrangers (Office of Foreign Assets Control, OFAC) est un organisme issu du département du Trésor et tire son autorité, entre autres, du Trading with the Enemy Act (loi sur le commerce avec l’ennemi). Chaque année, le président états-unien signe un mémorandum de prorogation à la Loi sur le commerce avec l’ennemi telle qu’elle s’applique au blocus des États-Unis contre Cuba. Par exemple, Obama l’a fait le 11 septembre 2009. Ainsi, non seulement en termes juridiques mais dans la réalité bien concrète, les États-Unis mènent une guerre non-déclarée contre Cuba afin d’en modifier le système politique. Selon le code pénal états-unien, article 115 intitulé « Trahison, sédition et subversion », la section 2381 stipule que tout citoyen états-unien qui « s’associe à ses ennemis [des États-Unis], en leur fournissant une aide et un soutien aux États-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et passible de peine de mort, ou d’une peine de prison supérieure à cinq ans et d’une amende supérieure à 10 000$. De plus, il lui sera interdit d’occuper une fonction officielle aux États-Unis. » En d’autres termes, un citoyen des États-Unis qui collabore avec un pays contre lequel ces derniers se considèrent en guerre afin d’appuyer cette puissance étrangère peut être condamné à mort.

Cuba, comme bien d’autres pays, dispose d’une législation semblable. En 2003, quelques citoyens cubains ayant subi été soumis à un procès équitable, ont été déclarés coupables et emprisonnés pour avoir travaillé en étroite collaboration avec la Section des intérêts des États-Unis à la Havane, laquelle leur avait fourni des fonds et du matériel afin de renverser les institutions constitutionnelles de l’île. Ces incidents ont été publiés et n’importe qui peut en vérifier l’exactitude.

Deuxièmement, Zapata a bel et bien subi un procès et été reconnu coupable, mais ce n’était aucunement pour des raisons politiques. Les médias de masse ne font que répéter ce dont ils veulent convaincre l’opinion publique. En réalité, depuis 1988, Zapata s’est adonné à toutes sortes d’activités criminelles, mais jamais rien de politique. À plusieurs reprises, il a été arrêté et reconnu coupable d’avoir troublé l’ordre public et par deux fois, d’avoir commis une fraude. Il est également coupable d’exhibitionnisme, de coups et blessures et de possession d’armes autres que des armes à feu. En 2000, il a fracturé le crâne d’un citoyen cubain et maintes fois fait preuve de violence contre les autorités carcérales pendant qu’il était emprisonné. Il a obtenu sa libération conditionnelle en mars 2003, onze jours avant que les soi-disant dissidents politiques ne soient arrêtés et qu’ils ne subissent leur procès. Le 20 mars 2003, il a commis un autre crime et fut à nouveau jeté en prison. Or, bien que ce dernier épisode soit tombé le même mois que le procès des soi-disant dissidents, il n’y est aucunement relié. Ce n’est qu’une coïncidence dont les dissidents et les États-Unis se sont servis pour présenter Zapata après coup comme un prisonnier politique. D’ailleurs, lors des très rares occasions où les médias de masse évoquent, ne serait-ce que vaguement, les déclarations de Cuba en ce qui a trait au véritable dossier criminel de Zapata, ils le font toujours dans des termes qui ridiculisent la crédibilité de la position cubaine, tout en omettant de fournir au public les renseignements cités plus haut, qui pourtant sont tous disponibles dans la presse de Cuba.

Troisièmement, Tamayo n’est pas mort en raison de la négligence ou de gestes délibérés de la part des autorités cubaines, ni médicales ni carcérales. Le 1er mars, un bulletin spécial présenté à la télévision cubaine lors des nouvelles quotidiennes exposait en détails les circonstances ayant conduit à sa mort. Cette vidéo circule toujours sur l’Internet pour les journalistes étrangers qui se soucient de véracité. Dans ce document, l’on peut voir des médecins, nutritionnistes et autres spécialistes cubains témoigner de leurs efforts pour sauver sa vie. Avec une grande rigueur scientifique, on y explique comment on l’a maintenu en vie à l’aide d’injections intraveineuses et autres méthodes. Néanmoins, lorsqu’un individu refuse de digérer sa nourriture, les organes vitaux amorcent un processus de détérioration irréversible qui conduit inévitablement à la mort, peu importe les efforts déployés pour sauver sa vie. Une psychologue a même témoigné de la façon dont elle avait essayé de le convaincre d’abandonner sa grève de la faim et d’adopter d’autres moyens pour faire entendre ses griefs. La vidéo montre également sa mère, qui affirme que son fils avait à ses côtés les meilleurs médecins cubains. Elle les a remerciés pour leur soutien. Enfin, un détail qu’il faut absolument prendre en compte : les déclarations de la mère furent enregistrées lors d’une discussion spontanée, sans qu’elle ne sache qu’elle était filmée. Voilà qui élimine tout soupçon voulant qu’elle ait fait ses déclarations sous la pression des autorités. Bien sûr, par la suite, elle a blâmé les Cubains pour la mort de son fils. Mais ce n’est là qu’un témoignage supplémentaire de la façon dont elle et Zapata furent manipulés par des forces politiques, et non une condamnation du traitement subi par le prisonnier.

Qui croire ? Pourquoi ne pas montrer la vidéo et permettre au public d’en tirer ses propres conclusions plutôt que de réitérer le même mensonge ? Pour ma part, après plusieurs visionnements du bulletin de nouvelles initial et de la vidéo diffusée sur Internet, j’ai constaté que les termes utilisés, les explications et le style des spécialistes cubains n’étaient rien d’autre que le prolongement d’un des attributs les plus remarquables de cette société et de sa culture politique. N’importe quel documentaliste ou journaliste non-Cubain qui travaille sur place et s’intéresse sérieusement à Cuba aura compris que cette nation est profondément humanitaire, et que l’être humain et la vie elle-même y sont tenus en très haute estime. L’humanité y est sacrée, et les valeurs qui s’y rattachent touchent tous les citoyens cubains sans aucune discrimination. Les commentaires et la sincérité démontrée par les spécialistes cubains représentent bien la vie quotidienne au pays. Et pour ceux d’entre nous qui la connaissent, le témoignage présenté à la télévision est tout à fait normal et naturel pour la société cubaine et ce, en toutes circonstances.

Néanmoins, il est important pour les médias de masse à la solde de l’oligarchie de garder cet aspect de la société cubaine à l’abri de l’opinion publique afin de pouvoir manipuler la situation à leur avantage lorsque les circonstances l’exigent. Ainsi, tandis que tous les yeux étaient rivés sur Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier, les médias états-uniens, qui sont restés sur place 24 heures par jour pendant plusieurs semaines, ont réussi à trouver le moyen de cacher au public que des professionnels de la santé et autres spécialistes cubains travaillaient en Haïti depuis plus de onze ans, de la façon la plus désintéressée qui soit. D’ailleurs, à partir du 12 janvier, ces travailleurs ont non seulement continué d’offrir leur soutien mais l’ont même augmenté. Sean Penn a eu le courage d’en parler pendant l’entrevue. On s’imagine donc difficilement comment les journalistes états-uniens, qui disposaient pourtant de moyens à la fine pointe de la haute technologie, sont parvenus à ne jamais rencontrer un seul médecin ou spécialiste de la santé cubaine après tout le temps qu’ils ont passé en Haïti. On ne comprend pas non plus comment ils ont fait pour ne jamais croiser un seul des milliers d’Haïtiens ayant reçu des soins offerts par les missions médicales cubaines au cours des onze dernières années et pendant les semaines après le tremblement de terre. Cette omission est tout à fait délibérée car lorsque l’occasion se présente (comme actuellement dans le cas de la mort de Zapata et des événements qui en ont découlé), elle permet de convaincre plus facilement l’opinion publique du mensonge selon lequel les fonctionnaires médicaux et le système de santé cubains peuvent être impitoyables. Bien sûr, il est indéniable que des situations comme celle qui concerne Zapata n’ont rien à voir avec l’exemple haïtien cité plus haut. Néanmoins, lorsqu’une société tout entière ainsi qu’une profession comme la profession médicale se fondent sur l’humanité des individus et sur la préservation de la vie humaine, le principe s’applique à tous. Aucune exception n’est possible et ce, sous aucune considération.

Cuba est une société qui s’exerce à la patience et à l’éducation depuis plus de cinq décennies afin de tout mettre en œuvre pour réparer quelque tort que ce soit et régler ses problèmes. Que ce soit au niveau des CDR de quartier (Comités de Defensa de la Revolución), dans les assemblées municipales et les délibérations au sein des conseils populaires, dans les organes gouvernementaux les plus directement et intimement liés aux citoyens des quartiers ainsi que dans les centres de production et de services, ou encore pendant les sessions où les élus rendent des comptes à leurs électeurs, lors des discussions et consultations des commissions parlementaires ou dans les commissions de travail permanentes du parlement, au sein des centres de travail, tous les problèmes sociaux sont traités sous le signe de la patience, de la compréhension et de l’éducation, lesquelles constituent une part fondamentale de l’autocritique initiée par le système lui-même. Qu’il s’agisse des problèmes à régler au quotidien, ou même d’une violation mineure de la loi ou encore d’une infraction plus sérieuse, comme des crimes impliquant des individus ou de petits groupes, il est tout à fait remarquable de constater de visu la patience dont les Cubains font preuve, utilisant toujours l’éducation comme principal moyen de changer les comportements qui affectent la société. Dans ce contexte, le contenu de la vidéo cubaine où les professionnels de la santé affirment avoir tout fait pour sauver la vie de Zapata me semble tout à fait normal et plausible. C’est ainsi que se font les choses à Cuba.

Ce n’est pas par hasard si l’administration Bush a brusquement interrompu la plupart des visites éducatives à Cuba. En effet, une majorité écrasante des jeunes et de leurs professeurs cessaient immanquablement d’être dupes des mensonges des médias de masse et constataient à tout le moins cette réalité : Cuba est une société pacifique fondée sur la valeur de l’être humain, ce qui transcende toute autre considération puisque cette réalité demeure la même en toutes circonstances. C’est ainsi que les étudiants rentraient aux États-Unis avec une vision de Cuba située à l’extrême opposé de ce qu’en disent les médias de masse.

Le quatrième mensonge qui circule actuellement concerne les Damas de Blanco. On affirme qu’elles ont été harcelées par les citoyens puis violemment agressées par les autorités cubaines pendant leur manifestation du 18 mars à la Havane. Qui sont donc les Damas de Blanco et quelle est leur importance ? Depuis 1960, le gouvernement états-unien soutien officiellement l’implantation de « groupes d’opposition » à Cuba, lesquels entretiennent des liens étroits avec les États-Unis. Or, dernièrement, dans le document de juillet 2006 intitulé Commission d’assistance à un Cuba libre [4], on réitère que ces groupes nécessitent « des programmes bien financés pour les rendre plus opérants » et on souligne le besoin « d’arriver à un consensus international en faveur de ces groupes » (page 16). Plusieurs personnes et de nombreux groupements sont cités dans ce rapport : l’un d’eux est le Damas de Blanco. L’un des individus ayant très clairement reçu l’aval états-unien il y a près de quatre ans est Guillermo Fariña. À l’époque, selon le document en question, il « avait entrepris une grève de la faim de longue durée » (page 19). Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, il a entrepris une autre et se fait manipuler de la même façon que Zapata l’a été et l’est encore aujourd’hui.

Lorsque l’on parle de médias de masse, cela inclut You Tube ainsi que les rapports sur les derniers incidents concernant les Damas de Blanco. You Tube reflète la couverture médiatique biaisée et mensongère dont il est question dans cet article. Fabriquée à partir d’un montage d’extraits vidéo, d’images figées dont on ne sait si elles sont reliées avec les événements cités et de descriptions verbales à propos de confrontations, la vidéo fut ensuite montée de manière à donner une impression de violence. Néanmoins, il est possible de visionner la vidéo intégrale et sans montage qui fut présentée à travers le monde à la télévision, tout en ignorant le commentaire audio qui affirme à plusieurs reprises que les partisans pro-Cuba ont fait usage de violence à l’encontre des Damas de Blanco et que la police les a détenus brutalement. En réalité, même si les opposants aux Damas étaient absolument furieux et qu’ils hurlaient leur soutien à la Révolution, en aucun cas ils n’ont fait usage de violence. De la même manière, les policières qui ont fait monter les Damas dans des autobus de la ville pour ensuite les reconduire chez elles n’ont jamais violenté celles qui n’avaient pas été arrêtées. Même si les États-Unis reconnaissent et promeuvent officiellement les Damas de Blanco comme étant un véritable « groupe d’opposition » et que leurs liens avec eux sont d’une évidence irréfutable, jamais les autorités n’ont usé de violence à leur égard. Affirmer le contraire est un mensonge. Et le répéter dans l’espoir qu’on en vienne à le considérer comme une vérité est le genre d’hypocrisie que dénonçait Sean Penn lorsqu’il parlait de l’accusation répétée par les médias de masse à l’endroit d’Hugo Chávez, à l’effet qu’il s’agirait d’un dictateur.

Ceux qui ont été arrêtés et emprisonnés suite à leur procès, en 2003, ainsi que leurs défenseurs – dont les Damas de Blanco – ne sont pas en conflit avec le gouvernement cubain ni avec les gens qui descendent immanquablement dans la rue pour combattre ces petits groupes et défendre la Révolution, à cause des opinions politiques des « dissidents ». Le problème, c’est qu’ils collaborent avec une puissance étrangère (les États-Unis) au détriment de leur propre peuple et de leur propre pays. Actuellement à Cuba, et plus que jamais auparavant, les discussions ainsi que les débats en profondeur et à grande échelle vont bon train, que ce soit dans les médias, les familles, les quartiers, les organisations de masse ou les différents niveaux de pouvoir populaire. On discute ouvertement des opinions contraires concernant les mesures qui devraient être prises afin d’améliorer le système socio-économique cubain. Par exemple, il peut s’agir de mesures pour donner plus pouvoir aux représentants élus ainsi qu’aux fonctionnaires œuvrant dans les organes de l’État et du gouvernement, pour régler les problèmes de corruption (qu’on ne peut aucunement comparer à ceux auxquels sont confrontés les pays capitalistes, que ce soit en termes de l’ampleur ou de la nature des actes reprochés), de production et distribution de nourriture et de marchandises nécessaires à la population. Or, ces délibérations n’ont pas pour but de remplacer le système socialiste actuel par un système capitaliste, ni de faire de Cuba un satellite des États-Unis comme c’était le cas avant la Révolution. Les « groupes d’opposition » se sont volontairement exclus de cet important débat qui n’est pas dirigé contre le système actuel, lequel fut établi de manière constitutionnelle. Au contraire, ces discussions sont même encouragées par le leadership historique révolutionnaire qui désire sincèrement voir le peuple participer de plus en plus étroitement au perfectionnement de son propre système. Par conséquent, la position tout à fait marginale de « l’opposition » ou des soi-disant « dissidents » par rapport à la société cubaine en général n’est pas la faute du système cubain, pas plus qu’elle n’en révèle un vice qui devrait être éliminé. Les « groupes d’opposition » sont les seuls responsables de leur isolement total. Si ce n’était des campagnes médiatiques, des fonds états-uniens et des autres appuis qu’ils reçoivent, les « dissidents » ne mériteraient pas une seule minute d’antenne en ce qu’ils n’affectent aucunement la vie politique cubaine à quelque niveau que ce soit.

Les soi-disant dissidents cubains, qui sont complètement isolés, insignifiants et marginaux dans la société et la vie politique cubaines, sont des traîtres à la nation tout comme leurs homologues de Miami. Et les traîtres sont imprévisibles. Ils n’obéissent qu’à leurs propres intérêts et à leur mentalité opportuniste. Ils peuvent être à la solde de n’importe qui puisque c’est ainsi qu’ils gagnent leur vie. Les traîtres, par nature, sont capables de vendre leur âme. Les peuples d’Europe et des États-Unis, qui n’obtiendraient que des bénéfices d’un meilleur rapport avec Cuba, devraient se demander s’il est possible que Washington, Bruxelles et les médias à leur solde aient créé un monstre qui, en plus de leur échapper, est au service l’extrême-droite. Ces individus gagnent leur vie dans l’unique but de créer des tensions entre Cuba et le tandem Europe/États-Unis. Et ces tensions, par essence, entravent les relations normales qu’entretiennent les nations entre elles. Pour sa part, le président Obama devrait se servir de son intelligence afin de dévoiler les intentions de l’extrême-droite qui cherche à saboter son initiative pour améliorer les relations entre les deux pays. Dans ce contexte, les journalistes sérieux, les parlementaires sincères et ouverts d’esprit, les personnalités politiques, les leaders syndicaux et les intellectuels ne devraient-ils pas être conscients de toute cette duperie ?

Comment se fait-il que Cuba soit actuellement victime d’une autre campagne médiatique et des pressions de Washington et de Bruxelles ? Il y a plusieurs explications. L’une d’entre elles est peut-être le fait que la rencontre des 22 et 23 février 2010, réunissant tous les États de l’hémisphère sauf le Canada et les États-Unis, ait débouché sur un accord pour établir une organisation régionale favorisant l’intégration économique, politique et culturelle. Il s’agit d’un événement historique. Tout le monde sait que dès 1959, Cuba a été l’initiateur et sert encore aujourd’hui de base politique et morale pour la coopération régionale, en dépit de conditions des plus défavorables. Les États-Unis et la vieille Europe n’ont jamais pardonné à Cuba d’avoir pris cette initiative il y a plus de cinquante ans. Ils n’ont jamais admis que Cuba refuse de suivre la voie de la capitulation aux mains des Occidentaux comme l’ont fait l’ex-URSS et l’Europe de l’Est. Défendre Cuba et sa Révolution aujourd’hui signifie défendre toute l’Amérique latine et les Caraïbes dans leur noble initiative d’intégration. La mort de Zapata a eu lieu à un moment des plus opportuns. De plus, sa manipulation par l’Union européenne, ses médias de masse et ceux de l’Amérique du nord sert admirablement la tentative de renverser la nouvelle tendance régionale en attaquant son inspiration première et sa plus prestigieuse : Cuba. Dans le document de 2006 cité plus haut, on peut lire que les États-Unis sont préoccupés par « l’axe » Cuba-Venezuela en ces termes : « Ensemble, ces deux pays encouragent une tendance alternative rétrograde et anti-états-unienne pour l’avenir de l’hémisphère, laquelle trouve une résonance […] dans la région […] » (page 24). Dans ce contexte, les États-Unis affichent clairement leurs visées pour organiser, maintenir et promouvoir leurs propres groupes et initiatives individuelles voués à l’opposition cubaine.

Mais Cuba n’est pas seule. Au contraire, car malgré toutes les tentatives pour l’isoler depuis plus de cinquante ans, le pays n’a jamais occupé une place aussi centrale dans la politique régionale et mondiale. Cette dernière campagne médiatique, qui repose sur des mensonges et sur la distorsion du réel, n’aura d’autres conséquences que d’éveiller la conscience politique des peuples du monde pour leur démontrer comment fonctionnent les médias de masse à la solde de l’oligarchie, c’est-à-dire par le mensonge et la manipulation.

Arnold August Auteur, journaliste et conférencier spécialiste de Cuba. Livre Democracy in Cuba and the 1997-98 Elections. Chapitre « Socialism and Elections » du livre Cuban Socialism in a New Century : Adversity, Survival, and Renewal, (University Press of Florida, 2004) édité par les professeurs Max Azicri et Elsie Deal. Prochain volume Cuba : démocratie participative et élections au XXIème siècle (automne 2010 en français, anglais, et espagnol). Membre de la Latin American Studies Association (LASA).

Notes : [1] « Les mercenaires cubains de la Maison-Blanche », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 27 septembre 2009.

[2] « Le suicide d’Orlando Zapata Tamayo », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 1er mars 2010.

[3] « Les "Dames en blanc" de Cuba », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 1er juin 2008.

[4] « Le nouveau plan de Bush pour renverser les institutions cubaines », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 2 août 2006. On pourra télécharger sur cette page le rapport cité.