Egalité et Réconciliation
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Les ratés de la main invisible du marché

Contrairement à ce qu’avaient annoncé les sirènes du libéralisme, les privatisations et les ouvertures à la concurrence n’ont eu que des effets dévastateurs sur les services rendus au public.

France Télécom. Ce seul nom évoque aujourd’hui une macabre comptabilité : celui du nombre de suicides dans l’entreprise. 35 en 2009 et déjà 11 en 2010 pour lesquels la CGC et l’Unsa se sont constituées parties civiles dans une plainte pour harcèlement moral déposée par SUD-PTT. Pour dépecer France Télécom et le privatiser, il a fallu évidemment économiser sur la masse salariale et pour cela changer les méthodes de management. Car bagarre des salariés aidant, ceux qui sont restés fonctionnaires – de moins en moins nombreux évidemment – avaient gardé la sécurité de l’emploi. « En trois ans, rappelait lors d’une manifestation le cégétiste Bernard Cicéro, 22 500 emplois ont disparu. Les gens ne sont pas remplacés alors qu’il y a du travail. Beaucoup de managers ont des primes en fonction du nombre de gens qu’ils arrivent à faire partir ». Cette souffrance au travail a-t-elle au moins pour corollaire un meilleur service au client ? Certes pas. Les factures se sont envolées et les services gratuits comme l’était le 12 (les renseignements) sont devenus payants. Quant au 13, si facile à obtenir autrefois en cas de dérangement, il a été remplacé par les boîtes vocales qui nous disent toujours que notre interlocuteur n’est pas libre. Quand le dépanneur arrive enfin, c’est souvent un sous-traitant et il n’oublie pas de présenter la facture.

Un train annulé en gare de Marseille car le conducteur prévu vient d’arriver en gare de… Nice. Surréaliste ? Non. Un phénomène très fréquent pour quiconque utilise les Trains express régionaux. Malgré les engagements de certaines régions – comme Paca et Languedoc Roussillon – pour financer du matériel neuf, rénover des gares et rouvrir des lignes… le quotidien des voyageurs est fait de trains supprimés et de villes et villages de moins en moins bien desservis. Car la politique de l’entreprise SNCF, délégataire de service public, n’est ni à l’embauche, ni au développement du service de proximité bien moins rentable que les TGV. Côté fret, la logique n’est guère plus glorieuse. Malgré la communication autour du développement du secteur, la réalité est à la fermeture des dessertes locales pour financer de futurs travaux. Mais si les premières remettent plus d’un million de camions sur les routes chaque année, les projets envisagent de n’en remettre que l’équivalent sur rail, à terme. On est ainsi dans un principe de substitution et non de développement, qui permet surtout de se recentrer sur du fret international considéré comme plus rentable, permettant au passage quelques 6000 suppressions d’emplois. Malgré les 2,3 millions de votants s’étant exprimés contre la privatisation de la Poste via une consultation d’initiative populaire, celle-ci a été adoptée à marche forcée. Versement de mandats, allocations ou menus services différents selon que l’on se trouve en milieu rural ou urbain et selon l’âge des personnes, c’en est fini des rapports privilégiés entre le facteur et l’usager. La poste est désormais devenue une boutique aux horaires d’ouverture de plus en plus réduits. Où l’on tente prioritairement de vous « refourguer » tous les produits imaginables – enveloppes pré-timbrées, cartes téléphoniques… – avant de rendre simplement un « service » longtemps considéré comme public. La boutique se fait même épicerie pour refiler des produits aussi divers que variés, allant du livre au panier garni.

Bel exemple des sirènes du libéralisme. Les « adaptations » étaient « obligatoires » pour répondre aux « défis de l’avenir » d’une entreprise, EDF, qui n’était plus en situation de monopole. Mais – promis juré – les vertus de la fameuse main invisible du marché allaient forcément conduire à des tarifs à la baisse. Non seulement l’augmentation a été de 48% la première année, mais après 2010, EDF ne sera plus soumise aux tarifs réglementés. L’entreprise « traque » aussi les petits consommateurs, les moins de 3 KVA qui ont des hausses plus importantes que les autres, les moins de 1 KVA qui voient leur abonnement exploser… La fin du « même service au même coût » en somme. L’affaire ne se joue pas sur la seule consommation. La rentabilité préside aussi aux destinées des réseaux, ceux alimentant les consommateurs plus riches considérés comme de meilleurs clients sont mieux entretenus et mieux développés. Sans oublier les réductions d’effectifs qui rendent les interventions de plus en plus longues et provoquent la fermeture de nombreux centres d’accueil qui sont de plus en plus éloignés… des usagers.