Egalité et Réconciliation
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Fin de partie en Afghanistan

Pour The Independent, la guerre contre les talibans est dans l’impasse. Il est plus que temps d’en finir quel que soit le prix à payer.

Il devient jour après jour plus difficile de brosser un tableau cohérent de ce qui se passe en Afghanistan et dans la région qui l’entoure. A en croire des rumeurs de pourparlers entre le président Hamid Karzai et la frange des talibans afghans que représente le mollah Omar, il semblerait qu’enfin, la stratégie qui consiste à “parler aux talibans” commence au moins à porter ses fruits.

Autre signe que l’on entre peut-être dans la partie politique de la phase finale du conflit, ces négociations, ou ces négociations sur des négociations, auraient l’aval du commandant américain sur le terrain, le général David Petraeus. Le général, qui a pris ses fonctions il y a quatre mois, n’avait jusqu’à présent fait montre que d’un faible appétit pour des pourparlers. Cela a apparemment changé.

Mais beaucoup d’autres choses ont changé aussi. Si l’on évoque une vague réconciliation en Afghanistan, il n’en va pas de même de l’approche américaine au Pakistan. La fréquence et le succès des frappes menées par des drones ont visiblement augmenté. Ces attaques sont controversées, parce qu’elles sont considérées comme sans risque pour leurs auteurs tout en étant susceptibles de rater leurs cibles. Si les Etats-Unis, comme ils l’affirment, détruisent des camps au Pakistan, alors l’équilibre de l’avantage a changé — et la politique aussi. Dans les faits, les Etats-Unis ont renoncé à se concilier le Pakistan.

Ces deux développements, les négociations et les frappes, soulèvent une autre question. Dans quelle mesure sont-ils, séparément ou non, liés à la fermeture par Islamabad de la passe de Khyber et aux attaques presque quotidiennes contre des convois de ravitaillement de l’OTAN. Ces dernières constituent-elles, comme beaucoup le croient, la réponse du Pakistan aux frappes ? Ou incarnent-elles plutôt une tentative pour faire échouer des négociations éventuellement sérieuses entre Karzai et les talibans afghans ?

D’une façon ou de l’autre, les attaques contre les convois coûtent cher à l’OTAN — en termes pratiques, à cause des pertes qu’elles infligent, et en termes d’image, à cause de la vulnérabilité qu’elles trahissent. Au bout de neuf ans, la victoire continue d’échapper aux forces occidentales. Le Premier ministre britannique a fait passer le même message le 6 octobre dernier. Si les Afghans ne sont pas prêts à prendre en mains leur propre sécurité, la Grande-Bretagne, elle, ne serait pas en Afghanistan pour édifier une démocratie parfaite — “pas d’idées délirantes, seulement une robuste sécurité nationale”. Les unités de combat britanniques devraient quitter l’Afghanistan après 2015.

Ce que sera alors l’Afghanistan tiendra lieu de verdict pour quatorze années de guerre. Et si les processus qui sont engagés aujourd’hui amènent effectivement le président Karzai à partager le pouvoir avec les hommes du mollah Omar, voire à le perdre à leur profit, c’est l’utilité de l’engagement dans son ensemble qui se trouverait remis en question. Un prix qu’il faudra cependant peut-être payer pour mettre un terme à cette lamentable entreprise.