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Les grands principes de politique étrangère du président Macron

Tout et son contraire !

Le président Emmanuel Macron a donné une interview de politique étrangère à 8 journaux européens – Le Figaro (dont les réponses ici présentes sont extraites), Le Soir, Le Temps, The Guardian, Corriere della Sera, El Pais, Süddeutsche Zeitung, Gazeta Wyborcza – afin de bien montrer son inclination pour l’Europe. En outre, il a déclaré qu’il ne faisait « pas un préalable du départ de Bachar al-Assad », comme son prédécesseur avait pu l’annoncer en se ridiculisant par la suite. Cependant, dans la même interview, Macron est capable de dire que la France interviendra, même seule, si la « ligne rouge » d’un bombardement chimique est franchie. Et que « Bachar n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien ». Non-ingérence et ingérence dans le même entretien, tout et son contraire, c’est la marque de fabrique de notre nouveau président.

 

Macron, au même titre que ses confrères des pays occidentaux, fait face à une crise de la démocratie ainsi qu’à la montée du terrorisme. Selon lui, l’Europe est placée devant un grand choix, qui déterminera son avenir.

« Notre défi est de savoir comment nous allons gagner cette bataille dont l’Europe, j’en suis convaincu, porte la responsabilité. Pourquoi ? Parce que la démocratie est née sur ce continent. Les États-Unis d’Amérique aiment autant que nous la liberté. Mais ils n’ont pas notre goût pour la justice. L’Europe est le seul endroit au monde où les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice sociale se sont mariés à ce point. La question est donc la suivante : l’Europe va-t-elle réussir à défendre ses valeurs profondes, dont elle a irrigué le monde pendant des décennies, ou va-t-elle s’effacer devant la montée des démocraties illibérales et des régimes autoritaires ? »

Macron veut une Europe plus forte, plus crédible aux yeux du monde, et des Européens, car c’est là que sévit la crise de confiance. Pour cela, il prône une relance européenne au côté des Allemands, mais dès lors, la France doit accomplir « les réformes fondamentales qui sont indispensables ». Rien de nouveau sous le soleil allemand de l’UE, donc. Si on sait lire entre les lignes, il s’agit d’appliquer à la France les « réformes » que les dirigeants ont infligées à leur peuple depuis l’avènement de l’euro, soit 15 ans. Là encore, Macron modère quasiment dans la même phrase son emportement germanophile :

« Mais la force de quelques-uns ne peut pas se nourrir longtemps de la faiblesse des autres. L’Allemagne, qui s’est réformée il y a une quinzaine d’années, constate aujourd’hui que cette situation n’est pas viable. Mon souhait est donc que nous puissions construire une force commune. Ma méthode pour le couple franco-allemand est celle d’une alliance de confiance. Je souhaite que nous revenions à l’esprit de coopération qui existait jadis entre François Mitterrand et Helmut Kohl. »

On aborde alors la question de l’Europe, de ses frontières. Car qu’est-ce qu’une Europe qui ne respecte même pas ses propres frontières ?

« Dans toutes nos sociétés, les classes moyennes se sont mises à douter. Elles ont l’impression que l’Europe se fait malgré elles. Cette Europe-là se tire elle-même vers le bas. Il faut créer une Europe qui protège en se dotant d’une vraie politique de défense et de sécurité commune. Il faut être plus efficace face aux grandes migrations en réformant profondément le système de protection de nos frontières, la politique migratoire et le droit d’asile. Le système actuel fait porter à quelques-uns toute la charge et ne pourra pas résister aux prochaines vagues migratoires. Je crois à une Europe qui se dote de moyens pour protéger ses frontières extérieures, assurer sa sécurité à travers la coopération policière et judiciaire dans sa lutte contre le terrorisme, déployer une organisation commune en matière de droit d’asile et d’immigration, une Europe qui protège contre les dérèglements de la mondialisation. »

Étonnant, de la part de celui qui validait comme Merkel l’immigration de masse à l’intérieur de l’UE pour des raisons économiques et démographiques... Dans cet esprit néoeuropéen, Macron veut doter l’entité européenne d’un « budget de la zone euro ». Macron plaide pour un nationalisme européen – qui jusqu’à présent n’a jamais fonctionné ni même existé – et assimile les « égoïsmes nationaux » à des « poisons lents qui entretiennent l’affaiblissement de nos démocraties ». C’est à ce moment qu’un journaliste lui oppose la division actuelle de l’Europe entre Est et Ouest. Et là, Macron avoue que trop de libéralisme peut entraîner une hausse des extrêmes et surtout, une défiance vis-à-vis de l’Europe. Incompréhensible dans la bouche du chantre du libéralisme européen !

« Nous devons promouvoir une Europe qui aille vers un mieux-être économique et social. L’objectif d’une Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique et social. En raisonnant comme on le fait sur le travail détaché depuis des années, on prend l’Europe à l’envers. Il ne faut pas s’y tromper. Les grands défenseurs de cette Europe ultralibérale et déséquilibrée, au Royaume-Uni, se sont fracassés dessus. Sur quoi le Brexit s’est-il joué ? Sur les travailleurs d’Europe de l’Est qui venaient occuper les emplois britanniques. Les défenseurs de l’Europe ont perdu car les classes moyennes britanniques ont dit stop ! Le souffle chaud des extrêmes se nourrit de ces déséquilibres. On ne peut pas continuer à faire l’Europe dans des bureaux, à laisser les choses se déliter. Le travail détaché conduit à des situations ridicules. Vous pensez que je peux expliquer aux classes moyennes françaises que des entreprises ferment en France pour aller en Pologne car c’est moins cher et que chez nous les entreprises de BTP embauchent des Polonais car ils sont payés moins cher ? Ce système ne marche pas droit. »

Puisqu’on parle Europe et frontières, la question des migrants vient sur la table. Macron rappelle son attachement à l’espace Schengen, à la libre circulation des personnes au sein de l’UE, mais aussi à l’accueil des « réfugiés ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne ferme pas les portes de l’Union, tout en demandant de « renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’UE » ! Et la question immanquablement liée à celle des migrants est la celle de la montée des populismes en Europe, qui ne sont que l’expression de la peur d’une dilution des particularités culturelles des nations. À cela, macron n’a pas de réponse, ou alors une réponse grandiloquente :

« La crise de l’imaginaire occidental est un défi immense, et ce n’est pas une personne qui le changera. Mais j’ai la volonté de retrouver le fil de l’Histoire et l’énergie du peuple européen. Pour endiguer la montée des extrêmes et la démagogie. Car c’est ça le combat de civilisation. »

Ce qui ne fait pas un programme. Après la moitié de l’entretien consacré à l’Europe, vient le temps des questions sur Trump, le Proche-Orient et le terrorisme. À propos de la fameuse « ligne rouge » qui serait franchie en cas de bombardement chimique, voici la réplique du président français :

« S’il est avéré que des armes chimiques sont utilisées sur le terrain et que nous savons en retracer la provenance, alors la France procédera à des frappes pour détruire les stocks d’armes chimiques identifiés. »

Ce qui, dans le contexte archicomplexe des forces sur le terrain, sera difficile à prouver ! C’est trois ans après le massacre chimique de la Ghouta (2013) que les instances internationales ont blanchi le président Assad, après que la presse « internationale » l’ait dénoncé sans attendre... Macron en profite pour taper sur Obama et Hollande :

« Qu’est-ce qui a bloqué les choses en 2013 ? Les États-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France ? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations ? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas respecter. Je respecte Vladimir Poutine. J’ai eu avec lui un échange constructif. »

Justement, malgré les reproches sur les libertés et l’Ukraine, Macron entend s’associer avec Poutine. Du moins sur le dossier terroriste. Voici ses quatre grands principes :

« Mes lignes sont claires.
Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie.
Deux : la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un État failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie.
Trois : j’ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les États-Unis.
Quatre : je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. Il faut trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse respecter ces quatre grands principes. »

Parlant d’Irak et de Syrie, on en vient logiquement au terrorisme, et au terrorisme sur le sol national. Se pose alors la question du placement du curseur entre la « législation d’exception et la nécessité de protéger les libertés ». Là, point de changement avec ses prédecesseurs, Macron prolonge l’état d’urgence et propose de « construire les instruments pour lutter contre ce risque nouveau, sous le contrôle du juge, administratif ou judiciaire », un juge qui sera bien évidemment sous contrôle lui-même. C’est le sens du texte présenté au Parlement jeudi 22 juin 2017.

Pour clore cet entretien sur la politique extérieure de la France, Macron insiste sur la cohérence, qui n’était pas vraiment le socle de notre diplomatie jusqu’à présent, à moins de considérer que la préférence américano-sioniste était en soi un socle...

« Cela suppose enfin d’avoir une politique internationale cohérente et de savoir parler avec toutes les parties. Mon principe diplomatique est celui-là. J’ai parlé cinq fois au président Erdogan depuis que je suis là. J’ai eu deux fois le président iranien Rohani. J’ai reçu Vladimir Poutine. La France n’a pas à choisir un camp contre l’autre. C’est sa force et son histoire diplomatique. Nous devons retrouver la cohérence et la force d’une politique internationale qui nous redonne du crédit. »

Ce ne sera pas tellement difficile, vu qu’on part de très bas, avec les Fabius et autres Ayrault, ces hontes nationales à l’international. Les patriotes accueilleront donc favorablement ce rééquilibrage en attendant qu’il donne de véritables fruits. Car nous sommes encore dans des déclarations d’intentions. Derrière tout cela, il y a la realpolitik, et Macron ne l’ignore pas. La réalpolitik, c’est de ne considérer personne comme un ennemi, et personne comme un ami. L’exemple de la Russie ayant déjà été traité dans nos colonnes, voici celui de la Turquie :

« La Turquie heurte en ce moment certaines de nos valeurs. Mais elle partage certains de nos intérêts. Nous sommes d’abord liés à la Turquie par le conflit syrien. La Turquie est un élément clé de notre politique régionale puisque c’est à la fois un voisin de la Syrie, un pays qui accueille un grand nombre de réfugiés et qui coopère dans la lutte contre le terrorisme. J’ai un dialogue exigeant et lucide avec le président Erdogan. Nous avons besoin de ce dialogue avec la Turquie. Je souhaite qu’en matière de migrations, ce dialogue soit européen et coordonné. Quand l’Europe a conclu un accord, elle l’a fait tard et de manière subie, même si celui-ci a donné des résultats. Il ne faut pas reproduire cette erreur. Pour le reste, compte tenu des positions actuelles de la Turquie, il est évident qu’aller plus loin vers une intégration européenne n’est pas une évolution envisageable. Mais cela n’empêche pas une relation forte et constante. »

L’autorité d’un dirigeant vient d’une seule chose : quand ses grands principes déterminent son action, et que ses résultats valident ses principes.

Comprendre les déterminants profonds de la politique extérieure française
avec Kontre Kulture

 

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