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"L’Ukraine est considérée par un certain nombre de juifs israéliens comme leur propriété" : entretien avec Youssef Hindi

Arthur Sapaudia pour E&R : Cher Youssef, merci de m’accorder cet entretien. À partir de quel moment avez-vous commencé à vous intéresser aux questions qui vous préoccupent, c’est-à-dire, entre autres, le sionisme, le choc des civilisations, le messianisme juif, la laïcité… Quel a été votre élément déclencheur ?

Youssef Hindi : Il n’y a pas eu d’élément déclencheur. Je m’intéresse à la chose politique, à l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la géopolitique et bien d’autres domaines depuis l’adolescence. Je me suis fait connaître avec mon premier livre, Occident et Islam – Tome 1 : Sources et genèse messianiques du sionisme (2015, éd. Sigest), qui est le résultat de mes recherches sur les origines religieuses du sionisme, dont l’histoire officielle faisait remonter sa naissance à la fin du XIXe siècle dans l’esprit d’Herzl, un juif athée. Mes recherches sur le sujet, démarrées il y a une dizaine d’années ont été motivées par les manquements historiographiques sur la généalogie du sionisme. C’est ce qui m’a conduit à étudier le messianisme juif et la mystique juive (la Kabbale) il y a une dizaine d’années. C’est ainsi que j’ai découvert les origines du sionisme et de la stratégie du choc des civilisations. Parallèlement j’ai ouvert d’autres chantiers de recherche et écrit neuf ouvrages au total à ce jour.

 

Qui sont vos précurseurs dans les domaines cités et quels livres conseilleriez-vous de lire en complément des vôtres ?

Sur les origines messianiques du sionisme et de la stratégie du choc des civilisations, je suis le premier, à ma connaissance, à en avoir retracé la généalogie, du XIIIe siècle à nos jours. Mais comme tout chercheur, je ne pars pas de zéro. Des auteurs m’ont permis, pas leurs apports, comme par leurs manquements, de faire avancer et d’orienter mes recherches. Parmi eux, il y a l’historien Shlomo Sand qui croyait que le sionisme était né dans les milieux protestants millénaristes anglais du XVIIe siècle. C’est mon désaccord avec lui, à la lecture de son livre paru en 2008, Comment le peuple juif fut inventé ?, qui m’a poussé à rechercher les origines juives du sionisme. Il avançait que le projet sioniste ne pouvait pas être né dans la tradition juive puisque le Talmud interdisait le retour du peuple juif en Terre sainte. Et il a cru, comme Thierry Meyssan après lui, que l’idée de rapatrier le peuple juif en Palestine pour hâter la venue du Messie, était exclusivement protestante millénariste. Mon intuition me disait que ces millénaristes protestants avaient été influencés par le messianisme juif. Cela ne m’a pas été difficile à démontrer. Mais le plus ardu était de découvrir comment ce projet sioniste messianique avait émergé dans le monde juif.

Quelques années plus tard, j’ai lu le passionnant ouvrage du grand reporter Douglas Reed, La Controverse de Sion, qu’il a écrit dans les années 1950. Douglas Reed voyait bien que le sionisme tirait ses racines dans la religion juive, mais il n’a pas pu en faire la démonstration. Son erreur était de rattacher le sionisme au Talmud, alors que celui-ci interdit le retour des juifs en Terre sainte avant l’arrivée du Messie des juifs. À la décharge de Douglas Reed, il n’était pas historien chercheur ni spécialiste du judaïsme, et n’avait pas connaissance de la Kabbale ; son livre est, comme il l’écrivait en conclusion, un témoignage que les historiens du futur devaient valider avec des preuves.

 

 

C’est alors que je me suis mis à étudier l’histoire, les concepts et l’évolution de la mystique (la Kabbale) et du messianisme juifs, car je pressentais que c’était dans ce courant que je trouverais les origines du projet sioniste. Je me suis donc plongé dans les livres de Gershom Scholem qui m’ont été très utiles pour comprendre la Kabbale et le messianisme. Mais là encore, Scholem ne rattachait pas le sionisme à la Kabbale et au messianisme. Et j’ai dû faire des recherches plus précises sur des périodes et personnages clefs pour aboutir à la résolution de ce « problème historique ».

 

Il est très difficile, pour un néophyte, de faire la part des choses entre la Gnose, la Kabbale, le messianisme, l’alchimie, la magie… Comment s’y retrouver selon vous et quel serait leur socle commun ?

La Kabbale a été fortement influencée par le gnosticisme qui est issue de croyances venant à la fois de l’ancienne religion perse [mazdéisme], de la religion grecque et certainement d’autres croyances provenant à la fois de la Méditerranée et de l’Inde en passant par la Mésopotamie. La Kabbale est composée de plusieurs branches : l’apocalyptique, la cosmologie, l’angéologie, la démonologie et la magie. Quant au messianisme juif, il a été, au cours des siècles, largement pénétré par la Kabbale.

Mais je déconseille très fortement à ceux qui n’ont pas une base théologique solide de s’aventurer dans l’étude de la Kabbale. Ils s’y perdront.

 

Pensez-vous que ce qu’il se passe actuellement en Ukraine fait partie intégrante du messianisme actif ?

Comme je l’ai expliqué récemment [1], il s’agit d’abord de la confrontation géopolitique entre les États-Unis et la Russie. C’est la vieille stratégie de de la puissance thalassocratique anglo-américaine dont l’un des principaux objectifs est la prise de contrôle de l’Eurasie. Projet auquel s’oppose naturellement la Russie, puissance tellurocratique, menacée de destruction. Mais le messianisme juif n’est pas loin. L’Ukraine est considérée par un certain nombre de juifs israéliens comme leur propriété. D’ailleurs, le président Zelinski est lui-même un juif, tout comme son maître, le milliardaire Igor Kolomoïski (détenteur des nationalités ukrainienne, israélienne et chypriote) qui a financé les bataillons néo-nazis d’Ukraine. Kolomoïski vit d’ailleurs en Israël.

Dans un article publié en septembre 2015, j’analysais la stratégie sioniste vis-à-vis de la Russie [2], laquelle se combinait à la géostratégie étasunienne.

Israël, via le lobby pro-israélien [3], utilise, en particulier depuis le tournant du 11 septembre 2001, les États-Unis et l’OTAN comme un outil de destruction des alliés historiques de la Russie au Proche-Orient, opposant plus encore Russes et Américains. En parallèle, les dirigeants sionistes tentent, via des intermédiaires, de négocier avec la Russie afin qu’elle abandonne ses alliés syriens et iraniens. En juillet 2013, le prince Bandar, en qualité de représentant de l’Arabie saoudite (alliée d’Israël), a rencontré Vladimir Poutine, pendant la crise syrienne. Bandar aurait au cours de l’entretien proposé un accord économique, pétrolier et gazier à Vladimir Poutine, en échange de quoi, celui-ci devrait lâcher l’Iran, abandonner le président Assad et livrer la Syrie aux terroristes [4]. J’analysais à l’époque le feu allumé quelques mois plus tard en Ukraine comme une réponse américano-israélienne au refus russe. D’ailleurs, Israël s’apprêtait à livrer des armes à l’Ukraine un ou deux mois après le début de la guerre civile. Poutine avait alors mis en garde l’État juif [5].

 

Notes

[1] https://strategika.fr/2022/02/26/le...

[2] http://www.geopolintel.fr/article97...

[3] John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, 2007.

[4] Al Manar, « Ce qui n’a pas été révélé de la rencontre orageuse Bandar-Poutine », 21 août 2013.

[5] Sputnik, « Poutine met Israël en garde contre les livraisons d’armes à Kiev », 18 avril 2015.

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