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IV - Le jansénisme au Grand siècle

De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants

Note de la Rédaction

Quatrième volet de la série d’articles proposée par Marion Sigaut.
Reportez-vous en bas de page pour consulter la série complète.

Avec l’apparition du protestantisme, le seizième siècle avait vu la chrétienté se scinder en deux camps ennemis, qui allaient, pour longtemps, mettre l’Europe à feu et à sang.
L’irruption du jansénisme, au siècle suivant, fit craindre qu’une nouvelle querelle tout aussi irréconciliable ait les mêmes conséquences. Car si cette nouvelle dissidence ne prônait pas la rupture avec Rome, on ne peut s’empêcher de mettre en parallèle sa doctrine avec celle qui avait mené Luther à la séparation. Mazarin, en tout cas, qualifia le mouvement de « calvinisme rebouilli ».

Après avoir fait alliance avec les dévots pour arriver au pouvoir, Richelieu s’était allié aux princes protestants allemands pour sauver le royaume, dont la plus grave menace extérieure était catholique. Comme l’avait voulu Henri IV, il avait laïcisé la politique.
Dans un ouvrage écrit contre ce choix, Mars gallicus, l’évêque d’Ypres, Cornelius Jansen, avait défendu la thèse qu’au contraire, un prince chrétien ne devait faire la guerre que pour des raisons religieuses, et ne traiter de religion que par raison d’Etat. Le jansénisme, qui allait naître de ses théories, prospéra dans la Robe et la bourgeoisie marchande dont celle-ci était majoritairement issue.

Le philosophe Lucien Goldmann explique que c’est en 1637 que le janséniste Antoine Le Maître fit savoir qu’il renonçait au « monde » en opérant une retraite à Port-Royal. Très médiatique retraite, puisqu’il la fit connaître de tout le milieu parlementaire où circula sa déclaration. Or la date correspond précisément à la généralisation des commissaires, dont nous avons vu combien ils dérangeaient les magistrats détenteurs d’offices [1]. Chacun put voir dans ce retrait, point de départ du mouvement janséniste, la réaction d’une classe sacrifiée à la centralisation monarchique.
Avant leur conversion, de nombreux jansénistes s’étaient heurtés à la difficulté de faire carrière dans la bureaucratie du pouvoir central : de là leur affirmation que le monde est mauvais et qu’aucune action humaine ne saurait le transformer avant le jugement dernier.
« On aurait remédié à bien des malheurs et des désordres si l’on avait fait emprisonner Luther et Calvin dès qu’ils commencèrent à dogmatiser » grinça Richelieu en faisant incarcérer Saint-Cyran [2] comme ennemi de l’Etat. Le procureur général Mathieu Molé intervint personnellement en sa faveur.

Aux sources du jansénisme, il y avait la pensée de Saint Augustin, revisitée au Grand siècle. Citons ici le père de l’Eglise :
« La grâce n’est pas donnée à tous les hommes et ceux à qui elle est donnée ne l’obtiennent pas d’après le mérite de leurs œuvres, ni d’après celui de leur volonté. C’est par la miséricorde gratuite de Dieu que la grâce est donnée à ceux à qui le seigneur la donne. C’est par un juste jugement de Dieu qu’elle n’est pas donnée à ceux à qui Dieu la refuse. »

Pour faire court, il y avait d’un côté les élus, et de l’autre les réprouvés, tous les autres.

Sous des dehors apparemment futiles, comme de débattre sur le fait de savoir si la crainte des peines de l’enfer est suffisante pour être pardonné, ou si le pur amour de Dieu est la seule condition, c’est l’appréhension du monde qui était en jeu. Les jansénistes prêchaient non seulement l’élitisme (Jésus n’était pas mort pour l’humanité, mais seulement pour les élus ), mais un perpétuel renoncement : toute tentative d’améliorer les choses était vaine. Le jansénisme est né et a éclos dans un environnement de renonciation au monde et de tristesse qui en fait un mouvement rigoureusement anti-social.

A sa sortie de prison en 1643, Saint-Cyran fit une entrée triomphale à Port-Royal, communauté libre, égalitaire, constituée majoritairement de gens de robe et de bourgeoisie de négoce, noyau dur du jansénisme et de l’opposition à l’absolutisme royal.
« On plaît à Dieu par la pensée, par la parole, par l’action et par la souffrance... » y professait-il.
« J’aime, par l’esprit de Jésus-Christ, tout ce qui est laid. » soupirait Mère Angélique.
C’est peut-être l’attraction de cette sainte laideur qui poussa les membres de la secte à procéder à la dissection du saint cadavre de Saint-Cyran pour en faire de saintes reliques.
Dieu aimait le laid, la souffrance, le morbide, le renoncement à tout. La prière était un gémissement. Dieu haïssait la vie, Dieu n’aimait pas les hommes, décidément.

Le ministère de Nicolas Pavillon, qui fut pendant quarante ans évêque à Alet, au pied des Pyrénées, est une illustration de ce que pouvait être le jansénisme appliqué.
Quand il arriva dans son diocèse, en 1637, il commença par en bannir toutes les violences faites aux femmes, aux filles et aux enfants des habitants, en butte à la brutalité des seigneurs locaux. Puis, après avoir éradiqué le viol et l’inceste, il imposa sa morale sur un autre registre, et fit donner le fouet à un jeune homme de 16 ans qui avait embrassé une fille à l’issue d’une danse. Peu à peu, il en vint à proscrire les fêtes, les bals et les réjouissances qui rythmaient l’année. Les habitants se virent inexorablement interdire de jouir de la vie.
Pour avoir un état des âmes de ses ouailles, Pavillon fit circuler des interrogatoires regardant non seulement les habitants mais également leurs voisins. Puis il prit des dispositions pour que certains pénitents ne puissent se confesser ailleurs que là où le curé avait reçu des instructions de dureté. Ils devaient en recevoir ensuite un billet de confession, sans lequel ils ne pouvaient communier, et leurs péchés ne pouvaient être pardonnés qu’à la condition de pénitences publiques humiliantes. Cette tyrannie dura jusqu’à la mort de l’évêque, en 1677.

Persuadés de l’importance de l’éducation des enfants, les jansénistes participèrent au mouvement des petites écoles, et développèrent partout en France des établissements où ils purent appliquer leur doctrine. Ils y furent en concurrence directe avec celles des jésuites auxquels ils reprochaient de professer une morale indulgente. Ces derniers ne permettaient-ils pas à leurs pénitents d’aller danser le jour même où ils avaient communié ? En d’autres termes, de s’amuser le dimanche…

Le mathématicien Blaise Pascal, qu’on dit être un des génies du siècle pour ses Provinciales dirigées contre la compagnie de Jésus, fut le champion de l’anti-humanisme janséniste. Sa sœur, Gilberte Périer, disait de lui : « Il ne pouvait souffrir aussi les caresses que je recevais de mes enfants, il me disait qu’il fallait les en désaccoutumer, et que cela ne pouvait que leur nuire.  »
A l’article de la mort, le grand génie dit à sa sœur : « Je connais le danger de la santé et les avantages de la maladie… ne me plaignez point, la maladie est l’état naturel des chrétiens, parce qu’on est par là comme on devrait être toujours… dans la privation de tous les biens et les plaisirs des sens, exempt de toutes les passions… et n’est-ce pas un grand bonheur quand on est par nécessité dans un état où on est obligé d’être ? »
Le bonheur dans la souffrance, la maladie, la privation des biens et de tous les plaisirs…

Le règne de Louis XIV fut celui de la reprise en main du pouvoir sur les officiers par les commissaires. A l’instar de Richelieu et traumatisé dans son enfance par la Fronde, - soubresaut sanglant des prétentions à l’autonomie des noblesses de robe et d’épée -, Louis XIV combattit avec la dernière rigueur les jansénistes qu’il voyait comme une secte mortifère défiant son pouvoir. Il les considéra, jusqu’à sa mort, comme les ennemis de l’Etat. Il fit intervenir le pape sur la doctrine, fit raser Port-Royal et mit les récalcitrants en prison. En 1713 c’en était fini.
Deux ans plus tard, c’est lui qui disparaissait.

(A suivre…)

Sources :
- René Taveneaux, La vie quotidienne des jansénistes aux XVIIe et XVIIIe siècles, Hachette littérature, 1973
- Jean Delumeau. Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, Nouvelle Clio 1992.
- Goldmann Lucien, Le Dieu caché, Nrf. Gallimard, 1975.
- Françoise Hildesheimer Le Jansénisme, Editions Publisud, 1992.

Voir aussi :

Octobre 2012
L’attentat de Damiens : Marion Sigaut invitée d’Au Coeur de l’Histoire sur Europe1
37
Janvier 2012
XVI – Turgot ou l’avènement du libéralisme : la fin de l’Ancien Régime
2ème partie, la dérégulation
40
Janvier 2012
XV – Turgot ou l’avènement du libéralisme : la fin de l’Ancien Régime
1ère partie, le pain du peuple.
33
Janvier 2012
XIV – L’humanisme des Lumières revisité : l’Encyclopédie
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
12
Décembre 2011
XIII – L’humanisme des Lumières revisité : Voltaire
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
24
Décembre 2011
XII – Le supplice de Damiens, ou le triomphe des barbares
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
45
Décembre 2011
XI - La guerre des juges contre l’Eglise
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
22
Décembre 2011
X - Le nouveau jansénisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
10
Novembre 2011
IX - Le tournant de la régence
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
35
Novembre 2011
VIII - Le satanisme au cœur de l’Etat : l’affaire des poisons.
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
29
Novembre 2011
VII – Malheur aux pauvres ! La création de l’Hôpital général.
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
11
Novembre 2011
VI - La justice du roi : les Grands jours d’Auvergne
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
22
Novembre 2011
V - La chasse aux sorcières
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
41
Octobre 2011
III - L’anti-humanisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
22
Octobre 2011
II L’humanisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
14
Octobre 2011
I. L’achèvement de la centralisation
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
31

Notes

[1] Voir l’article I – L’achèvement de la centralisation.

[2] Saint-Cyran, de son vrai nom Jean Duvergier de Hauranne, était proche de la Compagnie du Saint-Sacrement. Au sujet de cette dernière, voir l’article 3 – L’antihumanisme.

 
 






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17 Commentaires

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  • #58285
    Le 27 octobre 2011 à 09:48 par Charles Tremblay
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    "Avec l’apparition du protestantisme, le seizième siècle avait vu la chrétienté se scinder en deux camps ennemis, qui allaient, pour longtemps, mettre l’Europe à feu et à sang".

    Bien sûr, la chrétienté se limitait aux catholiques et protestants. Exit l’Orthodoxie grecque, russe et les Églises Moyen-Orientales. Vive la précision historique !

     

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    • #58372
      Le Octobre 2011 à 14:43 par Robert Gros
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      On parle de l’Europe, crétin prétentieux.
      Ecris d’abord quelques livres, ensuite ramène-là...

       
    • #58726
      Le Octobre 2011 à 12:59 par Alexis Martinez
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      Et la Chrétienté, avec une majuscule ou sans, désigne de manière expresse la communauté des croyants de l’Église apostolique et romaine. Le protestantisme, de même d’ailleurs qu’auparavant le Grand Schisme d’Occident, a donc scindé la Chrétienté, ce qui n’implique en rien les Églises orientales.

       
  • #58324
    Le 27 octobre 2011 à 12:08 par mouloud
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    merci.
    encore un nouvel horizon...

     

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  • #58408
    Le 27 octobre 2011 à 16:26 par Starcatherus
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Vous reconnaitrez un Christ "Janséniste" au fait que l’angle de ses bras formés par la Crucifixion est plus étroit que la normale , symbole du royaume promis aux seuls élus, cette conception écarte donc un plus grand nombre d’êtres portés symboliquement sur la ligne transversale , la ligne verticale ( transcendantale ) représentant l’influence de la volonté divine ...

    Vaste sujet en fait, il est fort probable que la compréhension profonde du Christianisme initiatique est été perdue dés le haut moyen age, car en fait à l’origine du Christianisme , celui-ci avait un caractère essentiellement ésotérique et initiatique (Tariqah pour les Musulmans) que dire donc de ces "modernes" du siècle des "lumières" qui interprètent la pensée de Saint Augustin en la faisant descendre pratiquement dans le domaine profane ... Ma question est : Je suis plutôt sensible au fait qu’une élite spirituelle méritante puisse exister et dont la doctrine serait basée sur le renoncement entre autre, de l’expérience du monde ordinaire et de l’état humain et donc qu’elle soit qualifiée pour exercer une autorité spirituelle. Le problème est que, ceux qui se proclament appartenant à cette élite sont-il légitimes ? dans une ère ou apparemment toutes les instances dirigeantes des traditions religieuses et initiatiques ont été profanées voir totalement détournées de leurs fonctions originelles ?

    Saint Augustin n’aurait il pas plutôt voulu dire autre chose ? vos actes et votre volonté ne garantissent pas la grâce, seul Dieu accorde la grâce ? ... comme pour rabaisser l’orgueil du croyant ... Faut-il pour autant se détourner des principes de l’évangile ? je ne le crois pas ... ce dont je suis certain, c’est que le salut n’est garanti pour personne, et encore moins pour le riche ...

    bref , ça m’a l’air un peu douteux ce jansénisme ...

     

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    • #59287
      Le Octobre 2011 à 01:10 par monadiste
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      Probable n’est pas sûr. Je doute que le christianisme fut ésotérique et initiatique. Certes il fut clandestin, car réprimé, mais son enseignement a été publique, car diffusé aux "gentils" - le christianisme est une religion exotérique. D’autre part, la seule initiation du chrétien reste son baptême. Je ne nie pas qu’il y eut des courants ésotériques et gnostiques, mais représentaient-ils la généralité du christianisme ? Le manichéisme était plus franchement ésotérique/initiatique et fut sévèrement combattu par Saint-Augustin.
      .
      En ce qui concerne la grâce, il y eut un autre célèbre "combat" de doctrine de Saint-Augustin : il réfuta catégoriquement le pélégianisme, doctrine du moine Pélage, qui tenait pour vrai que le salut pouvait s’obtenir par un effort personnel (ce qui est déjà une forme de religiosité initiatique). Saint-Augustin le récusa et opposa que la grâce divine était proposée à tout homme mais que chaque individu pouvait l’accepter ou la refuser.
      .
      C’est basé sur l’évangile (parabole du semeur)
      "Écoutez ! Voici que le semeur est sorti pour semer.
      Et il advint, comme il semait, qu’une partie du grain est tombée au bord du chemin, et les oiseaux sont venus et ont tout mangé. Une autre est tombée sur le terrain rocheux où elle n’avait pas beaucoup de terre, et aussitôt elle a levé, parce qu’elle n’avait pas de profondeur de terre ; et lorsque le soleil s’est levé, elle a été brûlée et, faute de racine, s’est desséchée. Une autre est tombée dans les épines, et les épines ont monté et l’ont étouffée, et elle n’a pas donné de fruit. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit en montant et en se développant, et ils ont produit l’un trente, l’autre soixante, l’autre cent."
      .
      Dieu accorde ses grâces en quantité à tous, mais seuls ceux disposés à l’entendre l’entendent.
      .
      L’article me semble assez inexact sur ce point.
      .
      Certains, comme Luther, voudraient croire que, en partant du principe que Dieu connaîtrait tout de l’avenir, cela revient à envisager une prédestination. Mais il est peu probable que Dieu connaisse tout de l’avenir de chaque individu, car il a créé un monde libre. Après tout, il a créé le monde au départ, puis il le laisse vivre sa vie... Il n’y intervient que pour certains ajustements ponctuels.

       
    • #59351
      Le Octobre 2011 à 11:45 par Marion
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      A propos du "Christ janséniste" aux bras levés : un historien bourguignon des environs de Treigny, où le jansénisme fut vivace, (le christ de l’église de Treigny a les bras levés), a indiqué lors d’une conférence que cette particularité provenait de l’intuition, à cette époque, que le corps d’un crucifié devait nécessairement se présenter ainsi.
      J’ignore si c’est vrai, je n’ai pas d’autre explication.
      Marion

       
  • #58682
    Le 28 octobre 2011 à 08:47 par Ahmed
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Merci Marion.

     

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  • #58685
    Le 28 octobre 2011 à 09:19 par JM le Gallo
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Merci à Marion Sigaut pour ce texte bien ficelé qui nous présente l’histoire du mouvement des jansénistes et qui nous permet de faire un bond historique et de vivre l’ambiance du 17ème siècle en France... Cela donne à réfléchir. Merci encore.

     

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  • #59272
    Le 29 octobre 2011 à 23:51 par Will Farnaby
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Comme ce que dit Pascal sur son lit de mort est profondément juste !

    Que cet état de renoncement soit la porte du salut, c’est ce que disent les sages de l’Inde depuis 2500 ans. Mais ils indiquent aussi que cet état, qui n’a rien de morbide contrairement à ce qu’une compréhension extérieure laisse à penser - et contrairement à ce que certains jansénistes pensaient visiblement, ne s’atteint ni par la force, ni par la violence mais bien par l’observation de notre expérience directe, par la présence constante et désintéressée à soi-même.

    La civilisation indienne est sans doute la seule qui ait placé au sommet de sa culture la figure du "renonçant".
    Pourtant, il n’y viendrait à l’idée de personne d’honnêtement versé dans ces questions, et certainement pas à l’idée d’un renonçant véritable, d’imposer cette démarche à autrui !

     

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  • #59870
    Le 1er novembre 2011 à 00:26 par Bruno
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Le "Dieu caché" de Goldmann que vous citez dans vos sources est un ouvrage qui n’a plus qu’un intérêt bibliographique. Son déterminisme sociologique marxiste ne tient pas la route : sa thèse est en gros que le Jansénisme est alimenté par le déclassement des titulaires d’offices. Or parmi les premiers jansénistes Goldmann a bien du mal à nous citer des déclassés. Au contraire Lemaître a quitté le barreau de Paris alors qu’un brillante carrière s’ouvrait à lui. Bref c’est exemple typique de l’idéologue Procuste qui coupe tout ce qui dépasse et tire ce qui est trop court pour que les faits collent à sa thèse.

    Je vous conseil plutôt "Dieu ne nous doit rien" de Leszek Kolakowski qui montre parfaitement comment c’est la doctrine moliniste (Jésus est mort pour tous les hommes) qui a gagné et pas l’idée janséniste d’un Jésus mort uniquement pour les élus. Et Dieu merci sinon le catholicisme n’existerait plus.

    Mes amis de la fraternité SSPX ceux qu’on appelle intégristes ou fondamentaliste dans la grosse presse (voir les manifestation devant le théâtre de la Ville) ne disent pas autre chose : Jésus est mort pour tous les hommes et les hommes collaborent à leur salut par leur amour du Christ.

     

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    • #59989
      Le Novembre 2011 à 16:15 par Marion
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      "c’est la doctrine moliniste (Jésus est mort pour tous les hommes) qui a gagné et pas l’idée janséniste d’un Jésus mort uniquement pour les élus. Et Dieu merci sinon le catholicisme n’existerait plus."

      Ce que vous dites est vrai dans l’absolu, mais il est de fait qu’au XVIIe siècle, c’est la doctrine janséniste élitiste qui s’est installée dans le monde judiciaire. A ce propos, il est bon de noter que la source de Goldmann est Roland Mousnier, qu’on lira toujours avec profit.
      C’est leur doctrine qui, au siècle suivant, a vaincu les jésuites, fait exiler l’archevêque de Paris Christophe de Beaumont, tyrannisé les pauvres de l’Hôpital et enfin inspiré la Constitution civile du clergé. Leur influence politique fut grande, même si sur le plan religieux ils avaient effectivement perdu.
      Mais il s’agit là du jansénisme du 18e siècle, qui fera l’objet d’un prochain article.
      Merci de votre référence.
      Marion

       
  • #60365
    Le 2 novembre 2011 à 14:03 par Bruno
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    Marion,

    Vous avez raison sur l’influence du jansénisme au XVIIIème siècle mais était-ce encore du jansénisme ? Je ne sais plus qui a dit que le jansénisme avait commencé avec Pascal et s’était achevé avec les Convulsionnaires de Saint-Médard.

    Vous avez raison aussi sur le lien jansénisme et Révolution. Une personnalité comme l’abbé Grégoire en est une belle illustration. Louis XIV qui avait la tête politique ne s’y était pas trompé lui qui appelait nos Solitaires les Républicains.

    Le jansénisme fut un beau moment de la spiritualité française mais ce fut une impasse théologique dont les conséquences politiques au siècle suivant furent, selon mon opinion, néfastes. Le jansénisme c’est encore et toujours le vieil esprit classique qui a accouché l’homme abstrait et le contrat social et qui faisait hausser les épaules au vieux Taine.

    J’ai beaucoup plus d’admiration pour l’autre versant de la spiritualité française du XVII celui de Bérulle, Gondren, Oliier, Monsieur Vincent et même pour l’admirable Père Jésuite Louis Lallemant.

    Félicitations pour vos articles.

     

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  • #68876
    Le 25 novembre 2011 à 19:43 par roland
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    « Dieu haïssait la vie, Dieu n’aimait pas les hommes, décidément. »
    pensée typique du puritanisme protestant, qu’on retrouve par exemple chez les villageois écossais du film "Breaking the waves".
    etc
    Et on comprend comment une fois que la foi en Dieu a disparu il reste chez les peuples formés par cette pensée une propension à cet espèce de puritanisme politically correct formaliste hypocrite impitoyable et "tordu" qui est si typique des USA.

     

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  • #89586
    Le 22 janvier 2012 à 23:46 par YOUSSEF
    IV - Le jansénisme au Grand siècle

    on ne remerciera jamais Louis XIV d’avoir réprimé comme il se doit le jansénisme. si on avait laissé faire les jansénistes, ceux-ci auraient peut-être déclenché une guerre civile dans les grandes villes françaises...Mais déjà apparaît distinctement les méthodes de ceux qui feront la révolution un siècle plus tard : le mensonge éhonté et permanent, les truchements des juristes et le harcèlement permanent là aussi contre l’Eglise et le Roi...

    Finalement, en comparaison des parlementaires d’alors et de l’hystérie des jansénistes, les rois de France et l’Eglise apparaissent bien modérés- peut-être trop ?

     

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    • #90564
      Le Janvier 2012 à 23:25 par Marion
      IV - Le jansénisme au Grand siècle

      Les rois ont été modérés, mais Richelieu a coupé des têtes, Louis XIV aussi, et il a fait raser Port-Royal jusqu’à la dernière pierre.
      C’est Louis XV qui se montra le plus modéré dans ses réactions. Les manières avaient changé, on ne faisait plus donner la troupe contre les opposants comme cinquante an auparavant.
      Quant à la modération de l’Eglise, elle n’avait ni troupes ni moyens de coercition. Qu’aurait-elle pu faire de plus que ce qu’elle a fait ?

       
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