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V - La chasse aux sorcières

De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants

Note de la Rédaction

Cinquième volet de la série d’articles proposée par Marion Sigaut.
Reportez-vous en bas de page pour consulter la série complète.

A la charnière entre le XVIe et XVIIe siècle, tout le monde affirmait croire au diable, il n’est de grand esprit qui ne s’y référa. Et si c’est le pape qui avait amorcé le mouvement en 1326 en assimilant sorcellerie et hérésie, l’Église abandonna vite les poursuites qui devinrent, à l’échelle de l’Europe, l’affaire des juges : Rome ignora elle-même cette inquisition, la chasse aux sorcières fut une procédure d’autorité locale non soumise à autorité supérieure, qu’elle soit religieuse ou royale.

En pays protestant - où le pape n’était plus reconnu -, les autorités locales brûlèrent à qui mieux mieux, suivant ainsi la conviction de Luther qui affirmait : « Il ne faut pas faire grâce aux sorcières et aux magiciennes (...) je voudrais moi-même mettre le feu à leur bûcher, de même qu’on voit dans l’ancienne loi les prêtres lapider les malfaiteurs. »

A l’origine de bien des procès, une dénonciation populaire. Telle femme, considérée jusqu’alors comme dotée des pouvoirs bénéfiques de soigner et guérir, devenait, face aux malheurs qui accablaient une communauté, responsable du mal comme elle l’avait été du bien. La source de cette croyance peut bien n’avoir été que l’expression d’une religiosité paysanne (c’est-à-dire païenne au sens étymologique du terme) que le christianisme n’avait atteinte que superficiellement. La grande majorité du peuple français pratiquait une religion animiste que les lettrés catholiques des cours citadines assimilèrent à de la sorcellerie.

Les procès ravagèrent les campagnes. Depuis 1570 environ (paroxysme des guerres de religion) et pour un siècle, ce sont des dizaines de milliers de pauvres gens, majoritairement des femmes, qui périrent publiquement dans d’atroces souffrances à l’issue de procès iniques. Des tortures insoutenables faisaient avouer ce qu’on voulait. Tant que les juges n’avaient pas obtenu d’aveux, ils persistaient à torturer, et une résistance acharnée à la pression était elle-même la preuve que le diable soutenait l’accusée, incapable sans secours diabolique de résister à l’épreuve.
Un accusé tentait-il d’incriminer un de ses bourreaux pour tenter d’en réchapper en le discréditant ? Peine perdue. Les juges étaient, par nature, indemnes de toute attaque satanique, leur mission était placée sous la protection de Dieu le père. En personne.
Tout malheureux tombé dans les filets des juges sur simple soupçon était voué à la mort, sans distinction de sexe ou d’âge. Sans aucune chance d’en réchapper. Aucune.

On aurait tort de voir dans ces magistrats sadiques des rustauds abrutis par l’ignorance. Des juges subalternes aux plus hauts magistrats, tous avaient étudié. Le plus illustre d’entre eux, Pierre de Lancre, qui se vanta d’avoir fait flamber plus de 500 malheureuses, était un érudit, un lettré appartenant à l’élite intellectuelle de Bordeaux.
Et quand un médecin, Jean Wier, écrivit qu’il suffisait d’un peu de médecine pour expliquer bien des possessions, il attira sur lui les foudres de Jean Bodin. Jean Bodin (1529-1596), avocat au Parlement de Paris, l’auteur des Six Livres de la République, la référence pour des générations en matière d’analyse de l’origine de l’autorité, Jean Bodin que le xxe siècle a honoré comme humaniste en donnant son nom à un lycée de sa ville natale, accueillit l’intervention de Jean Wier en tonnant que c’était le diable qui l’inspirait et lança un appel véhément à une répression impitoyable.
Bérulle lui-même, sous couvert du prétendu humanisme dévot, attaqua ad hominem le médecin Marescot qui avait commis l’outrage suivant : « S’il ne faut donc point d’autres signes de possession du diable que ceux qui sont décrits par les évangélistes, tout épileptique, mélancolique, phrénétique aura le diable au corps. Il et y aura au monde plus de démoniaques que de fols. »

Ce n’était pas l’Eglise qui poussait au crime, et c’est un jésuite, Friederich Spee, qui dénonça le mieux la procédure française en 1632. En 1657, un décret pontifical reconnut la maladie mentale et s’éleva contre le fait d’arrêter et d’incarcérer des femmes contre lesquelles n’existait aucune charge. Mais en France ce décret ne toucha personne, car les juges d’Inquisition ne sévissaient pas, et une décision pontificale n’avait aucun pouvoir de contrainte contre les juges séculiers.
Ces derniers s’arrogeaient un mirobolant pouvoir religieux, mais l’Eglise n’avait sur eux aucune prise.

Le reflux des procès en sorcellerie a peu à voir avec une prise de conscience des magistrats en faveur de leurs victimes. Jusqu’au bout ils rejetèrent les appels à la raison d’où qu’ils viennent. Mais un glissement des affaires de sorcellerie des campagnes vers les villes, vint semer le trouble dans leur monde à eux. Les grands scandales de l’époque que sont l’affaire des possédées de Loudun ou de Louviers, mirent en cause des prêtres et des notables. On n’avait plus là affaire à des femmes du peuple, soupçonnées de pratiques sataniques, mais à des femmes du beau monde qui se plaignaient de possessions dont il fallait les délivrer. Elles n’étaient plus les coupables, mais les victimes d’un mal dont elles accusaient des personnalités au-dessus de tout soupçon. Dans ces affaires qui ont défrayé la chronique, ce sont des femmes qui accusèrent et semèrent la terreur.
Le scandale était d’autant plus grand qu’il mettait à jour de lourds secrets touchant à une bien trouble sexualité pratiquée dans les couvents. En 1610 à Aix-en-Provence, Madeleine Demandols lança au cours de crises violentes et spectaculaires, à son confesseur Louis Gaufridy : « Vous savez bien que vous avez fait de moi tout ce que vous avez voulu, tant devant que derrière ! » Comment une jeune fille, enfermée dans un couvent, pouvait-elle évoquer la sodomie si elle ne l’avait subie ! Son suborneur fut exécuté après un procès expéditif, et il y a fort à penser que la présence, ou non, du diable dans ses séductions, eut peu à voir avec la rapidité de la procédure.
Les grandes exhibitions des possédées furent éhontément lubriques. Hystérie des participantes, certes, mais aussi lubricité des spectateurs qui venaient se délecter à la perspective de voir des nonnes se dénuder en poussant des hurlements de bêtes. Et en faisant tomber sur des notables des soupçons inavouables : orgies avec sacrifices d’enfants, crucifixions, anthropophagie… Une fois lancée, la procédure ne pouvait plus être arrêtée, et il était temps pour la force publique d’y mettre bon ordre. Les Parlements s’y employèrent, et à leur tête celui de Paris, qui imposa une procédure d’appel automatique en cas de condamnation à mort. Ainsi fut arrêtée la folie des procédures en sorcellerie.

Mais les cours de province et les juridictions subalternes ne se laissèrent pas ainsi déposséder de leur pouvoir, et bien en avant dans le siècle, quand déjà s’était fait jour la théorie que tout cela n’était que balivernes imputables à la crédulité populaire [1] – c’est le comble ! – les petits juges continuèrent de dénoncer, torturer, briser, brûler.

On a là une illustration de ce que pouvait un pouvoir local illimité : sans défense ni recours, les petites gens étaient à la merci de notables sadiques et cupides. Il fallut que les tortionnaires commencent à s’attaquer à des nantis pour que les autorités supérieures réagissent, et décident d’y mettre un terme. Et elles eurent contre elles tout le pouvoir de la Compagnie du Saint-Sacrement qui, jusqu’au bout, soutint les dénonciations de sorciers [2].

En 1670, l’abolition des procédures en sorcellerie n’était pas encore à l’ordre du jour, le pouvoir central se contentant d’imposer l’appel à Paris partout où c’était possible, ce qui était une manière d’imposer la relaxe. Le Parlement de Rouen, qui s’était distingué par sa turbulence sous la Fronde, envoya au roi une lettre suppliant que sa majesté l’autorise à continuer de poursuivre. La lettre des magistrats normands est un modèle d’obscurantisme : « Ce sont, Sire, des vérités tellement jointes aux principes de la religion que, quoi que les effets en soient extraordinaires, personne jusqu’ici n’a osé les remettre en question. »
La réponse de Louis XIV marque clairement de quel côté étaient les lumières de ce siècle-là. Par une réponse juridique circonstanciée, le roi mettait un terme définitif à ces monstruosités, exigeant qu’on empêchât dorénavant que « l’innocence soit plus longtemps exposée à la calomnie et à l’avarice. » C’était le 25 avril 1672. Dix ans plus tard, en 1682, un édit définissait définitivement la sorcellerie comme un délit d’exploitation de l’ignorance. Un sorcier était un illusionniste et la sorcellerie était de la prétendue magie.
Vive le roi !

(A suivre…)

Sources
- Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. Une analyse de psychologie historique. Plon 1968. p. 112
- Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Bouc ».
- Friedrich Spee von Langenfeld, : Advis aux criminalistes sur les abus qui se glissent dans les procès de sorcelerie…
- Jean Delumeau. Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, Nouvelle Clio 1992

Voir aussi :

Octobre 2012
L’attentat de Damiens : Marion Sigaut invitée d’Au Coeur de l’Histoire sur Europe1
37
Janvier 2012
XVI – Turgot ou l’avènement du libéralisme : la fin de l’Ancien Régime
2ème partie, la dérégulation
40
Janvier 2012
XV – Turgot ou l’avènement du libéralisme : la fin de l’Ancien Régime
1ère partie, le pain du peuple.
33
Janvier 2012
XIV – L’humanisme des Lumières revisité : l’Encyclopédie
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
12
Décembre 2011
XIII – L’humanisme des Lumières revisité : Voltaire
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
24
Décembre 2011
XII – Le supplice de Damiens, ou le triomphe des barbares
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
45
Décembre 2011
XI - La guerre des juges contre l’Eglise
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
22
Décembre 2011
X - Le nouveau jansénisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
10
Novembre 2011
IX - Le tournant de la régence
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
35
Novembre 2011
VIII - Le satanisme au cœur de l’Etat : l’affaire des poisons.
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
29
Novembre 2011
VII – Malheur aux pauvres ! La création de l’Hôpital général.
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
11
Novembre 2011
VI - La justice du roi : les Grands jours d’Auvergne
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise, l’absolutisme royal et ses opposants
22
Octobre 2011
IV - Le jansénisme au Grand siècle
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
17
Octobre 2011
III - L’anti-humanisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
22
Octobre 2011
II L’humanisme
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
14
Octobre 2011
I. L’achèvement de la centralisation
De la centralisation monarchique à la Révolution bourgeoise L’absolutisme royal et ses opposants
31

Notes

[1] C’est ce que retint d’ailleurs Voltaire au siècle suivant. A l’article « Bouc » de son Dictionnaire philosophique, il conclut qu’il ne faut point brûler les imbéciles. Les imbéciles étant non pas les juges qui croyaient à ces fadaises, mais leurs victimes.

[2] Il est important de dire que les jansénistes, eux, ne s’en occupèrent aucunement.

 
 






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41 Commentaires

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  • #60949
    Le 3 novembre 2011 à 22:20 par Roma2
    V - La chasse aux sorcières

    Merci beaucoup pour ces textes.
    La monarchie française ne se résume pas à la monarchie absolue vendue par la république. On se rend compte que les pouvoirs locaux seigneuriaux et cléricaux n’étaient certainement pas exempts de tous reproches et que le rôle centralisateur du roi de France a pu aussi apporter des bienfaits au peuple français. D’ailleurs, qui a freiné des quatre fers toutes tentatives de réformes à la veille de la révolution française ? La noblesse et le clergé.

     

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    • #61063
      Le Novembre 2011 à 08:52 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Je ne prétends pas tout connaître, mais je ne connais pas de pouvoir clérical local. L’Eglise comme la royauté étaient centralisés, l’abus de pouvoir local ne les concernait donc pas.
      Le premier bénéficiaire de la centralisation monarchique, c’était le peuple.
      Pour ce qui regarde les tentatives de réforme à la veille de la Révolution, j’y reviendrai.

       
    • #61208
      Le Novembre 2011 à 16:53 par Alexis Martinez
      V - La chasse aux sorcières

      Il existait tout de même des pouvoirs cléricaux "localisés" à défaut d’être "locaux". Les princes ecclésiastiques n’étaient soumis qu’en théorie au pape, et l’Église particulière de France, le meilleur allié du roi de France face à Rome, n’était nullement monolithique ni centralisée. D’une manière générale, on peut dire que le bas clergé restait soumis à une autorité centrale théorique, mais que les "intermédiaires" du haut-clergé disposaient d’un droit implicite d’interprétation large (très) des consignes de l’autorité centrale, ce qui explique certains scandales (exemple : quand le Conseil de Venise fit charger la troupe pour disperser des travailleurs de la teinturerie qui entendaient mettre en place une caisse de secours mutuel avec l’aide de nombreux prêtres, les autorités ecclésiastiques approuvèrent cet acte qui allait à l’encontre des consignes de charité ordonnées par le pape).

       
  • #60977
    Le 3 novembre 2011 à 23:30 par Bruno
    V - La chasse aux sorcières

    Chère Marion,

    Nous livrez-nous des articles sur les Francs-maçons ?

    Je ne suis pas un adepte du complot comme de l’abbé Barruel mais on peut difficilement contester :

    - l’influence des de l’idéal des Loges sur l’idéologie de la Révolution française et les Républiques suivantes,
    - les liens entre les meneurs de la Révolution (Desmoulins, le Duc d’Orléan) et les Loges.

    Merci.

     

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    • #61033
      Le Novembre 2011 à 03:06 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Non malheureusement, je n’ai pas d’article dans ma besace sur la FM. 
      Mais bien d’autres choses encore...

       
    • #61212
      Le Novembre 2011 à 17:07 par Alexis Martinez
      V - La chasse aux sorcières

      Je ne suis pas un spécialiste de la FM, mais je tiens tout de même à signaler que l’influence des "frères trois points" sur le cours de la Révolution a été extrêmement variable. Son apogée a été l’Assemblée Législative de 1791-1792, mais après le 10 août 1792 et surtout le 2 juin 1793, les franc-maçons parlementaires étaient largement divisés (la meilleure illustration étant le fait que Couthon, Vadier et Dupont de Neumours, trois hommes que tout séparait et qui se livrèrent - au sens propre puisque Couthon fut exécuté avec Robespierre, que Dupont de Nemours, condamné à mort pendant la Terreur, s’en sorti de justesse, et que Vadier n’échappa à la "guillotine sèche" thermidorienne qu’en fuyant à l’étranger - une guerre à mort, étaient franc-maçons). Peut-on parler d’une "faction" franc-maçonne pendant la Révolution quand les franc-maçons, dont le nombre aux postes de pouvoir n’a cessé de diminuer après 1791 (y compris pendant la contre-révolution thermidorienne de 1794-1799), étaient traversés des mêmes divisions et des mêmes affrontements irréductibles que ceux qui ne l’étaient pas ?
      J’ai de singuliers doutes à ce sujet.

       
  • #60992
    Le 4 novembre 2011 à 00:33 par C.C
    V - La chasse aux sorcières

    Merci Marion, j’aime beaucoup cette série d’articles, alors bonne continuation !


    PS : Vous croyez qu’avec une gueule pareille il est possédé ?

     

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    • #61065
      Le Novembre 2011 à 08:57 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Face à certains cas, les petits juges ont probablement eu des circonstances atténuantes...

       
  • #61169
    Le 4 novembre 2011 à 14:49 par Tulkas
    V - La chasse aux sorcières

    Très bon article ! A savoir que beaucoup de tribunaux inquisitoriaux ont finit sous l’emprises des différents pouvoir séculiers étatiques... et donc coupés du contrôle de l’autorité Papale (je pense aux Templiers). Beaucoup de ce qu’on attribue à l’Eglise Catholique n’a en fait rien avoir avec celle-ci ; c’est le bras de l’état qui pouvait condamner au bûcher, pas l’Eglise.

     

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    • #61252
      Le Novembre 2011 à 19:21 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      En effet, beaucoup de ce qu’on attribue à l’Eglise n’a rien à voir avec celle-ci.
      Pourquoi parlez-vous de tribunaux inquisitoriaux ? Ce n’était pas l’Inquisition qui sévissait en France, en aucun cas. Les juges n’avaient rien à voir avec elle. La chasse aux sorcières fut l’affaire des juges laïcs, et uniquement eux.
      Marion

       
    • #61295
      Le Novembre 2011 à 20:56 par Alexis Martinez
      V - La chasse aux sorcières

      Il me semble que les tribunaux seigneuriaux chargés après le XVème siècle de continuer le travail des inquisitions ecclésiastiques étaient également des inquisitions. Mais des inquisitions seigneuriales, autrement dit laïques.
      Un genre d’externalisation des tâches, avec déjà les résultats que l’on sait...

       
    • #61952
      Le Novembre 2011 à 10:23 par Tulkas
      V - La chasse aux sorcières

      Alexis a résumé le fond de ma pensée. Merci !

       
  • #61686
    Le 6 novembre 2011 à 12:19 par Gaga
    V - La chasse aux sorcières

    Bonjour,
    Pouvez vous me dire ce que vaut le film La Révolution française en deux parties : les années lumieres et les années terribles avec Jean Francois Balmer et Francois Cluzet ?

    Cordialement

     

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    • #61809
      Le Novembre 2011 à 19:47 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Difficile de répondre brièvement. On y trouve bien sûr plein de poncifs éculés, mais beaucoup de choses poignantes aussi. J’abuserais en vous donnant un avis tranché.
      Ce que je peux vous dire c’est que, avant d’étudier l’Histoire j’ai adoré le film, et au fur et à mesure que je me suis plongée dans les textes, la colère m’a prise.
      Je regarderai ça de plus près après la présente série.

       
    • #61823
      Le Novembre 2011 à 20:17 par Gaga
      V - La chasse aux sorcières

      Merci beaucoup !

       
    • #61899
      Le Novembre 2011 à 01:44 par Alexis Martinez
      V - La chasse aux sorcières

      Le second film est tout particulièrement inexact au point de vue historique, même s’il est plutôt bien réalisé et fournit une "ambiance" réaliste de l’époque.
      Mais rien que le passage final sur la chute de Robespierre tient du roman pur et simple : rien n’est vrai, depuis la fuite de Robespierre et Saint Just jusqu’à l’admonestation "le sang de Danton t’étouffe, tyran !" qui est une invention de la fin du XIXème siècle (le moment de la réhabilitation de cette ordure corrompue et traître de Danton).

       
    • #61943
      Le Novembre 2011 à 09:06 par Marion
      V - La chasse aux sor

      Le parti pris de montrer un Robespierre coincé, mal dans sa peau, obsessionnel de la vertu, "eunuque" comme le lui dit Danton, et ce dernier bon époux et bon père, sensuel et joyeux, est particulièrement exaspérant.
      Si on montrait un Robespierre simplement généreux et à l’écoute de la souffrance populaire, effaré de ce qu’il pressent et faisant face à un Danton corrompu et partouzeur, sanguinaire et voleur, cela aurait une autre allure.
      Certainement la reconstitution est d’une qualité impressionnante, mais le message subliminal est bien toujours le même : la vertu pousse au crime !
      L’image a fait florès : parce qu’il était incorruptible Robespierre a terrorisé la France !
      Allons donc !
      Je vous propose d’y revenir plus tard, et de rester pour le moment sur l’Ancien régime.

       
    • #63093
      Le Novembre 2011 à 02:58 par Bruno
      V - La chasse aux sorcières

      Oh encore et toujours le gentil Robespierre victime des méchants corrompus.

      On croirait un discours de Ségolène Royal.

      En dehors des saloperies dont lui et ses sbires se sont rendus coupables (le génocide vendéen, la loi des suspects, le martyre du petit Louis XVII) Robespierre est à l’origine de l’élévation à la dignité de concept politique des catégories infantiles de "méchants" et de "sincérité". Tous les dictateurs et toutes les médiocrités mystiques (voir plus haut) se sont engouffrés la-dedans.

      Et la bouffonnerie de la Fête de l’Etre suprême : quel aveu d’échec et quelle tentative ridicule de rafistolage et de sauvetage des meubles.

      Et la déclaration des Droits : toute la sensiblerie larmoyante et toute la prétention raisonneuse du XVIIIème !!!

      Il y a une scène du le film de Wajda "Danton" (la musique de Prodromidès est poignante et illustre parfaitement la pesanteur idéologique et politique de l’époque) dans laquelle Robespierre malade fait réciter au fils Duplay les articles de cette plate et pédantesque niaiserie. Genre : "la Révolution a dévoré ses enfants mais il restera tout de même cela". Oui en effet il nous est resté ce bibelot poussiéreux en porcelaine de saxe. Fasse que la prochaine concierge de la République planque ce ramasse poussière sous la commode.

      La Révolution française est la mère de tous les génocides et la matrice de toutes les clowneries démocratiques.

      Mais je m’écarte du sujet.

       
    • #63147
      Le Novembre 2011 à 08:47 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Tout le problème avec Robespierre consiste à savoir ce qui, dans la masse inouïe des crimes de l’époque, lui est imputable ou lui a simplement été imputé.
      Un film n’est pas une source et Robespierre paye, médiatiquement parlant, pour quantité des crimes commis par les autres.
      On a fait pareil pendant des générations en imputant à l’Eglise les crimes commis par les juges.
      Mais vous avez raison, nous nous éloignons du sujet, et je vous propose d’y revenir plus tard.

       
    • #63163
      Le Novembre 2011 à 09:41 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      A propos de Ségolène Royal, je vous serais reconnaissante de bien vouloir m’épargner ce genre de comparaison que je juge tout à fait hors de propos.

       
    • #63237
      Le Novembre 2011 à 14:19 par Bruno
      V - La chasse aux sorcières

      Non , non la comparaison est justifiée : on trouve bien dans les discours de la dame du Poitou les concepts infatiles de "méchants" et de "sincérité".

      On l’a vue, sur la scène, du Zénith habillée toute en bleu mi-télévangéliste mi-parturiente sortie de la salle de travail. Une "reborn" mystique.

      Et on a découvert qu’elle avait la larme facile quand les "méchants" lui faisient du mal.

      Vous devriez vous pencher sur "la pensée magique" comme fondement de la pensée de gauche. Voir Murray et son "Le XIXème siècle à travers les âges".

       
    • #63879
      Le Novembre 2011 à 19:19 par Alexis Martinez
      V - La chasse aux sorcières

      Bruno > Robespierre raisonnait avec les outils intellectuels à sa disposition à son époque. Lisez donc quelques écrits politiques de l’Ancien Régime (notamment l’acte d’accusation du "régicide Damien") et de la Révolution, et vous verrez que Robespierre fut loin, très loin, d’être l’initiateur de la pensée manichéenne "gentils vs méchants" en politique.
      Quant aux "crimes" qui lui sont imputés, ils sont discutables (je suis toujours ébahi devant l’expression "génocide vendéen"... en quoi a-t-il jamais existé fut-ce à la moindre période de l’histoire médiévale et postérieure, un "peuple vendéen" pouvant être "génocidé" ?) et, surtout, les responsabilités, directes comme indirectes, n’en reviennent aucunement à Robespierre, qui s’y est bien souvent d’ailleurs opposé (on considère en général que l’une des principales raisons de sa "chute" est son opposition aux "massacreurs" : Fouché à Lyon, Javogues à Montbrissont, Lebon à Arras, Fréron à Toulon, Barras à Marseille, etc.).

       
    • #64654
      Le Novembre 2011 à 07:08 par Marion
      V - La chasse aux sorcières

      Merci Alexis. C’est ce que je voulais dire : on fait porter à Robespierre la responsabilité d’atrocités qu’il n’a pas voulues, et ça cache le reste, tout le reste. Et ce reste est incommensurable.
      Cela dit, je ne suis pas "robespierriste", seulement historienne. Je ne cherche pas à défendre le bonhomme mais la précision historique. Il existe quantité de personnages pour lesquels j’ai infiniment plus de tendresse que l’Incorruptible.

       
  • #62590
    Le 8 novembre 2011 à 21:06 par Ben quoi ?
    V - La chasse aux sorcières

    Marion,
    Je souhaitais vous remercier pour vos articles et, plus encore, vous saluer pour l’honneur que vous mettez à répondre au commentaires qui s’y rattachent, alors que l’exercice est de toute évidence difficile.

     

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  • #63585
    Le 11 novembre 2011 à 16:22 par Phil
    V - La chasse aux sorcières

    Mais oui, le coup des gentilles sorcières et des méchants chrétiens... Pourquoi certains politiciens utilisent le terme "chasse aux sorcières" pour se défendre de certaines accusations ? Qu’est ce que c’est la sorcellerie réellement ? Des gentilles fées qui, "soit-disant soignent les bléssés" pour laver l’extérieur de la coupe afin de cacher la porcherie de l’intérieur : sacrifice humain, hypnose, contrôle mental, utilisation de substances pour se dépasser spirituellement et corporellement, invocation des esprits maléfiques, orgies, utilisation de magie blanche et noire ect ect... Après le diable, on y croit ou on y croit pas. Ce qui est sûr, c’est que le plus grand piège qu’il puisse nous tendre, c’est de nous faire croire qu’il n’existe pas, comme ça on remet l’existance de Dieu en cause. Si on comprend ce qu’est la sorcellerie, on peut alors comprendre pourquoi certains chrétiens avaient envie de faire le ménage pour le bien-être du pays.

     

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    • #64163
      Le Novembre 2011 à 23:37 par Francois
      V - La chasse aux sorcières

      Oui, sauf que, quand vous dites "on peut alors comprendre pourquoi certains chrétiens avaient envie de faire le ménage pour le bien-être du pays.", le problème c’était de croire "faire le ménage" en brulant les sorcières ou les possédés. Jésus brulait-il les hommes possédés par des esprits mauvais ?? non ! Il les libérait de ces esprits mauvais. Cela n’a rien de comparable !!!! Il nous a demandé de guérir les malades en son nom, pas de les tuer !!! Vous chasserez les démons en mon nom, vous imposerez les mains aux malades et ils seront guéris, nous dit Jésus !
      En France maintenant, beaucoup encore ne croit plus ni en Dieu, ni au diable, et on ne chasse plus les esprits mauvais, alors on laisse les gens avec, et quand cela s’empire et on les drogue de médicaments et on les enferme (avec pour effet bien triste de les voir demeurer parfois toute leur vie avec leurs démons !). Ce n’est donc pas tellement mieux qu’avant.
      Avec quelques exceptions : j’avais rencontré un homme qui lors de ses permissions de sorties de l’hôpital psy venait de temps en temps rencontrer une religieuse qui du coup priait pour lui régulièrement. Il a fini par sortir définitivement de l’hôpital. Et je rends grâce à Dieu !

       
    • #64353
      Le Novembre 2011 à 13:33 par Phil
      V - La chasse aux sorcières

      @François

      Lire l’évangile de Saint Matthieu à partir de 12.22. Jésus n’est pas venu tout pardonner. Ceux qui veulent, selon "leur volonté", rejetter l’Esprit Saint et suivre le satan comme leur Dieu, ceux là finiront dans un lac de feu (ex : les templiers). C’est le péché contre l’Esprit Saint non pardonné par Jésus lui-même.(Mais on peut être possédé par le diable sans le vouloir ou sans savoir que Jésus est le sauveur, c’est pardonnable...). Ca explique pourquoi pas mal de sorcières ont été brûlées car elles allaient à l’encontre de leur foi chrétienne... Cet acte avait une valeur expiatoire au yeux de la justice chrétienne. Que Dieu te protège.

       
  • #68889
    Le 25 novembre 2011 à 20:38 par roland
    V - La chasse aux sorcières

    la chasse aux sorcières fut vraiment une chose horrible, où toute la perversité dont sont capables l’ "autorité", et les passion sourdes de "la rumeur", se déploya au pire.
    Ici le récit de ce que ça a donné du côté de Bailleul (Nord) :
    http://home.nordnet.fr/ rgombert/Me...
    (le lien ne fonctionne pas bien une fois arrivée sur la page chercher la ligne intitulée "le procès en sorcelerie de Thomas LOOTEN et cliquer dessus)

    Mais il ne faut pas oublier que la nature humaine ne change pas (comme disait Albert Cossery "il n’y a pas de progrès de l’humanité, c’est des conneries. Les hommes de maintenant sont les mêmes que ceux d’il y a 3000 ans") ni celle des sociétés et des institutions. Aussi ce qui est important est de se poser la question : quels en sont les avatars modernes ? là sous nos yeux ; et que nous ne voyons peut-être même pas.

     

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  • #89285
    Le 22 janvier 2012 à 00:26 par YOUSSEF
    V - La chasse aux sorcières

    les fanatiques ne sont pas ceux que l’on croit !
    il arrive aujourd’hui à l’Islam ce qui arriva jadis à l’église catholique : accusée de tous les péchés, de toutes les fautes, de tous les crimes et de tous les débordements...
    Au fond, tant que la monarchie et l’église marchaient main dans la main, elles arrivaient à contenir la fougue "laîque" et la Banque ; mais dès qu’à l’orée du 18è siècle, les idées des lumières gagnèrent les hautes sphères de la monarchie, cette dernière se livra pieds et poings liés à la Banque, l’enthousiasme avec lequel le ROI accueillit les réformes de Turgot le démontrant jusqu’à l’absurde..

     

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  • #89520
    Le 22 janvier 2012 à 19:45 par YOUSSEF
    V - La chasse aux sorcières

    Merci à Marion de dégonfler les baudruches et de nous faire lire la vraie histoire de France, pas celle de Michelet, de Vidal-naquet et cie... l’ancien régime, ce fut surtout la lutte des rois de France contre la fureur laïque des juges et la tyrannie des potentas locaux...ça explique que, bien plus tard, les paysans de toute le France se soulevèrent en masse contre la république...

     

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